ACTUALITE VATICANE (15 avril 2017)
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Deux affaires au Vatican L’Église organisation politique et religieuse Depuis quelques semaines, la presse parle beaucoup de deux affaires vaticanes, celle de l’Ordre de Malte et celle de la pédophilie eccésiastique. On a trop souvent oublié la double nature de l’Église de Rome : le pape, héritier de saint Pierre, a comme Jésus-Christ qu’il représente, une double nature, spirituelle et humaine, come le Christ est dit entièrement homme et entièrement Dieu. L’Église a une fonction spirituelle, et le pape est le garant de la volonté de Dieu (le seul “vrai” garant de cette volonté, selon l’Église de Rome) ; mais il est aussi le monarque absolu, élu par le Conclave des cardinaux, d’un État politique, le Saint-Siège, qui a eu un très grand territoire, du Moyen-Âge à 1870, réduit en 1870 à l’État du Vatican à l’intérieur des murs de Saint-Pierre, avec son administration (la Curie romaine), sa banque (IOR = Institut des Oeuvres de Religion), sa radio, sa presse (l’Osservatore romano), ses timbres, sa monnaie, etc., un État au sens plein du terme. Et on ne réalise pas toujours que c’est un État comme les autres, une monarchie qui a ses représentants, les “nonces apostoliques ”, les envoyés (ambassadeurs), dans presque tous les États du monde (181), où ils sont souvent doyens du Corps diplomatique (en Europe et en Amérique du Sud) : ils ont aussi une double fonction, de faire le lien entre le Vatican et l’Église locale, le Conseil national des évêques, et d’être l’ambassadeur du Saint-Siège auprès de l’État où ils sont nommés. Le Vatican est donc un État, un pouvoir politique important, même s’il n’a pas d’autre armée que celle, symbolique (110 militaires depuis 1998), des Gardes suisses du Pape vêtus de leur costume dessiné en 1914 par le commandant Jules Repond (1853-1933) qui s’inspire des fresques de Raphaël de la Chapelle Sixtine ; les gardes suisses existent depuis le 22 janvier 1506, c’était le temps du pape Jules II, et on estimait alors que les soldats suisses étaient les meilleurs mercenaires. Il est donc légitime, que l’on soit croyant ou pas, d’analyser le Saint-Siège come État politique, et ils se trompent ceux qui pensent que tout ce qui sort de la bouche du pape a une simple valeur religieuse, comme si “l’infaillibilité pontificale” (déclarée en 1870 par le Concile Vatican I pour compenser la perte des États pontificaux) était valable pour autre chose que le domaine dogmatique : elle n’a valu depuis lors que pour un seul dogme, l’Assomption de Marie, proclamée en 1950. Les autres paroles du pape ne sont pas paroles de foi, mais déclarations du chef d’un État religieux, même si beaucoup de catholiques interprètent les choses autrement. Et cet État a les mêmes qualités et les mêmes vices que les autres, il connaît les mêmes luttes internes entre des clans divers ; les combats que mène actuellement le pape François contre plusieurs clans de cardinaux romains ou autres en est le meilleur témoignage, et il peine à réformer les finances de l’État, les méthodes de gouvernement de la Curie, le comportement personnel de nombreux membres du haut et du bas clergé ; bien qu’en principe monarque absolu, il est constamment l’objet de critiques et d’attaques, et on a dit qu’il n’habitait pas dans les appartements pontificaux mais dans une communauté à la fois par volonté de plus de pauvreté et par souci de se préserver d’un tentative d’assassinat, comme celui dont a peut-être été victime le pape Jean-Paul I, qui voulait lui aussi réformer  la banque du Vatican. Pédophilie protégée dans le clergé : Lussuria On parle beaucoup actuellement de deux affaires, la pédophilie et l’Ordre de Malte. Le journaliste Emiliano Fittipaldi était l’auteur en 2015 de Avarizia (Feltrinelli), où il publia les documents internes au Vatican montrant les scandales financiers qui dégradent l’image de cet État (des luxes personnels que se permettent les cardinaux aux fraudes atteignant des millions, de ses investissements fabuleux dans le monde entier, parfois sur le dos des fidèles, des trames de l’IOR à l’affaire des hôpitaux). Il vient maintenant de publier Lussuria, péchés, scandales et trahisons d’une Église faite d’hommes (Feltrinelli, 2017), encore une fois sur la base de document du Vatican et à partir des procès jugés ou encore en cours. Ce n’est pas un ouvrage polémique, mais un documentaire sérieux où il cite chaque fois les noms et les références des auteurs de délits sexuels sur des mineurs, prêtres, évêques, cardinaux. Mais c’est une enquête effrayante qui va de l’Australie à l’Argentine, du Mexique au Chili, et en Italie, de Côme à la Sicile, et qui dénombre d’une part les centaines de crimes dénoncés par les victimes, souvent des enfants handicapés, mais aussi la protection des prêtres criminels par l’institution ecclésiastique, y-compris par les trois personnalités les plus importantes  du Vatican nommées par le pape François (George Pell, Òscar Rodriguez Maradiaga, Francisco Erràzuriz), par le Conseil des Évêques Italiens, et par le pape François lui-même quand il était archevêque de Buenos Ayres. Le livre s’achève sur la description du “lobby gay” du Vatican : l’homosexualité, condamnée dans les discours, semble assez bien pratiquée dans les milieux cardinalices, les mêmes qui les dénoncent ! Les deux soucis du Vatican semblent être de ne pas dépenser trop d’argent pour dédommager les victimes, et de protéger les bourreaux de la justice civile, en leur demandant seulement de se repentir. L’Ordre de Malte La seconde question qui apparaît dans la presse est celle de l’Ordre de Malte et du conflit qui l’oppose actuellement au pape. L’ordre de Malte est un organisme puissant lié à l’Église Catholique. Créé en 1048 à l’initiative de marchands d’Amalfi sous le nom d’ordre bénédictin de Saint Jean de Jérusalem pour assurer l’assistance des pélerins, il devient indépendant, guidé par son fondateur, le bienheureux Gerardo Sasso, placé sous la tutelle de l’Église en 1113, et libre d’élire ses supérieurs sans interférence d’autres autorités laïques  ou religieuses. Il se transforme en ordre religieux, tous les chevaliers étant moines voués aux trois voeux monastiques, et il est chargé de la défense militaire et médicale des pélerins, adoptant comme symbole la croix octagonale blanche. Après la perte de la Terre Sainte, il se transfère à Chypre en 1291, puis à Rhodes en 1310, se constituant une flotte puisssante, et enfin à Malte lorsqu’ils sont chassés de Rhodes par le Sultan ; l’empereur Charles Quint leur donne la possession de l’île que l’ordre développe. Il contribue à la victoire de Lépante sur les Turcs en 1571. Napoléon les oblige à quitter Malte en 1798 ; ils s’installent à Rome sur l’Aventin et via Condotti, et ils continuent à se développer dans le monde entier (120 pays), où ils ont aujourd’hui plus de 13.500 membres (+ 80.000 bénévoles et 25.000 médecins et infirmiers), qui ont une activité hospitalière importante ; l’Ordre dispose d’un patrimoine de 1 milliard 700 millions d’euros. Ils ont un statut d’observateur permanent aux Nations Unies, et sont un sujet de droit international, disposant de ses propres plaques d’immatriculation. Ils sont divisés en trois couches, dont la deuxième et la troisième peuvent intégrer des femmes ; ils ont un réseau important de relations diplomatiques  (dont un ambassadeur auprès du Saint-Siège, M. Antonio Zanardi Landi depuis le 2 septembre 2016) et ont abandonné aujourd’hui leurs fonctions militaires, mais s’appellent toujours “ Ordre Souverain Militaire Hospitalier de Saint Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte”, et gardent leur double titre de militaires (ils sont chevaliers et peuvent porter l’épée) et de religieux. Ils ont hérité de l’Ordre des Templiers lorsque celui-ci est dissous en 1314. L’ordre a aussi une branche protestante. Son dernier Grand Maître – qui a un statut de chef d’État – est le Frère Matthew Festing (d’une très ancienne famille noble anglaise catholique), aidé d’un Grand Chancelier, Albrecht von Boeselager (photo ci-contre), laïque allemand, marié, père de 5 enfants. Aussi une affaire d’argent Depuis quelques mois, l’affaire de l’Ordre de Malte préoccupe le monde catholique. Nous en avions parlé dans notre “Nouvelles de ces derniers temps” du 6 février 2017. Mais on ne savait alors pas tout. Rappelons qu’en décembre 2016, le Grand Maître avait accusé le Grand Chancelier Boeselager d’avoir laissé distribuer des préservatifs par l’organisation charitative de l’Ordre en Birmanie, et de n’avoir pas empêché certains membres d’adhérer à la Franc-Maçonnerie ; Boeselager ayant refuse de démissionner, Matthew Festing l’avait démis de ses fonctions, en présence du Cardinal Raymond Léo Burke ; Boeselager en appelle alors au pape, – lui aussi hostile au préservatif et à la Franc-Maçonnerie, mais n’ayant jamais demandé l’éviction de Boeselager – qui fait nommer une commission chargée d’étudier la question, sous la direction du Cardinal Silvano Tomasi et composée de deux religieux et de trois laics (Cf Bulletin de la Salle de Presse du Saint-Siège du 4 février 2017). Le Grand Maître déclare inacceptable” cette “ingérence” du Vatican dans le fonctionnement de l’Ordre. Le cardinal Burke (1948- ), archevêque américain, est Préfet du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique de Rome (donc un des personnages importants de la Curie) et en 2014, le pape François l’a nommé Cardinalis Patronus”, patron de l’Ordre de Malte, ce qui a été considéré comme une mise à l’écart de ce cardinal qui est un des principaux opposants conservateurs aux projets de réforme du pape, sur tous les problèmes, famille, place des femmes, féminisme, genre, etc. Le Frère Matthew Festing critique aussi le choix des membres de la commission fait par le pape, car trois d’entre eux seraient “en conflit d’intérêt “ avec l’Ordre : ils seraient gestionnaires d’un Fonds, en réalité un trust, la Caritas Pro Vitae Gradu Charitable Trust (CPVG), possédant 120 millions de francs suisses qui proviennent d’un don français de Jehan de la Tour fait en 2011. La possession de ce fonds est un des problèmes présents derrière ce scandale. Voulant y voir clair dans les manoeuvres de Frère Festing, soucieux d’être réélu dans sa fonction malgré la décision pontificale, le pape annule donc le limogeage d’Albrecht von Boeselager, vide de tout pouvoir la fonction du cardinal Burke qui soutenait Festing, et nomme l’archevêque Giovanni Angelo Becciu (1948-), numéro deux de la Secrétairerie d’État (Photo ci-contre), son délégué personnel pour préparer une réforme du gouvernement de l’Ordre, entre autres de la nomination du Grand Maître, qui date du Moyen-Âge (pour être nommé, il faut avoir plusieurs quartiers de noblesse et être religieux soumis aux trois voeux monastiques, ce qui fait que le nombre de candidats possibles est réduit à une dizaine de personnes). Mgr Becciu devra collaborer avec Frère Ludwig Hoffmann von Rumerstein, Grand Commandeur et Lieutenant intérimaire de l’Ordre. Il faut donc que ces réformes soient réalisées avant la nouvelle élection du 29 avril prochain. Albrecht Boeselager s’est expliqué longuement dans une interview à la Stampa du 02 février 2017 ; il est allemand, c’est-à-dire fait partie de la fraction la plus nombreuse, la plus riche et la plus défavorisée dans la hiérarchie de l’Ordre : il précise que le pape n’a pas violé la souveraineté de l’Ordre, il critique certaines pratiques de discrimination raciale qui peuvent gagner des parties de l’Ordre (Hongrie, USA), il confirme qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt entre la Commission pontificale et l’Ordre, il souligne enfin qu’il n’était pas au courant d’une distribution de préservatifs, vu le caractère décentralisé des initiatives des Chevaliers de Malte et leurs rapports avec d’autres ONG. On avait parlé de “conflits d’intérêt” entre autres parce que le frère de Boeselager est membre du Comité de Direction de la Banque du Vatican, l’IOR. Tout est donc parti d’une petite affaire de préservatifs, qui n’étaient qu’un prétexte pour régler de plus graves problèmes politiques internes, où apparaît encore une fois l’hostilité d’une partie de l’Église à la volonté de réforme du pape François. Le Monde des 9/10 avril 2017 a consacré presque une page à ce problème que vous pouvez suivre aussi en consultant sur Internet la presse du Vatican, et toute la presse en tapant “Ordre de Malte” ou “Ordine di Malta”. Pour l’anecdote, si vous allez à Rome, montez sur l’Aventin jusqu’à la place décorée par Piranèse (une merveille architecturale) où se trouve le Palais de l’Ordre de Malte, et regardez par le  trou de la serrure du portail, vous verrez la coupole de la Basilique Saint-Pierre.                                                         Jean Guichard, 15 avril 2017
Frère Festing
lllle Cardinal Burke