7.6. Création de formes artistiques : cinéma et BD - Sofia Loren
La belle vie de Sofia SCICOLONE-Loren Le 20 septembre 1934 à la clinique Regina Margherita de Rome naît  une petite fille, Sofia Scicolone. Elle aurait dû naître à Pozzuoli, mais pour cacher sa honte de ne pas être mariée, sa mère Romilda Villani, professeur de piano et sosie de Geta Garbo, est venue accoucher à Rome dans cette clinique pour filles-mères (comme on disait alors). Le père, l’ingénieur Riccardo Scicolone, refuse d'épouser la mère, mais reconnaît cependant la petite qui s'appelle donc Sofia Scicolone. Peu de temps après la naissance, la mère n'a plus de lait pour la nourrir et Sofia ne supporte pas le lait de vache. Le directeur de la clinique dit à Romilda : « Abandonnez cette enfant qui n'a que la peau sur les os, personne ne vous en blâmera » ! Romilda n'en fait rien et retourne à Pozzuoli chez sa mère qui racle les fonds de tiroirs pour trouver une nourrice à sa petite fille. Lorsque naît sa jeune soeur Maria, le père refuse de la reconnaître et les quitte définitivement. Maria va beaucoup en souffrir car à l'époque, en Italie, les enfants sans père étaient très mal vus (les « NN » = niente nome, pas de nom, des « bâtards »), si bien que dix ans plus tard, lorsque Sofia touchera  un million de lires  pour son premier rôle dans Aïda, elle dépensera entièrement cette somme pour que le père puisse signer les papiers de reconnaissance de Maria. La famille n'était toujours pas riche et cet argent aurait pu permettre d'acheter des biens pour la vie quotidienne, mais Sofia pensa que le bonheur de sa soeur passait avant tout. Pozzuoli est un port et donc une cible fréquente de bombardements en 1940. Les habitants ont construit un tunnel pour se mettre à l'abri des bombes : toutes les nuits,  il faut courir à l'abri. Un jour Sofia est blessée au menton par un éclat d'obus, elle a 6 ans. Après des mois de bombardement, les habitants de Pozzuoli évacuent la ville. La grand-mère de Sofia a des parents éloignés qui les hébergent à Naples. Elles logent toutes les quatre dans une petite chambre qui a un balcon d'où Sofia assiste aux horreurs de la guerre : l'armée allemande, la famine, les actes de violence. Elle marche pieds nus et se jure si un jour elle est riche, d'avoir « une paire de chaussures par jour ». Et effectivement, les chaussures resteront son luxe. Dans  les pages d'un magazine à qui elle avait ouvert ses portes, on voyait dans son dressing ses 365 paires de chaussures ! À la fin de la guerre la famille revient à Pozzuoli, Sofia a 11 ans. Pour gagner de l'argent la grand-mère Luisa vend aux Américains une boisson à base de cerises, pendant que Romilda joue du piano et que Maria chante. Sofia préfère faire le service, elle est trop timide pour se produire devant les soldats américains. C'est une bonne époque pour elles, car les G.I. sont très généreux et donnent beaucoup de vivres (en échange de quoi ?). De plus, un des soldats lui fait rencontrer un médecin  militaire qui arrange sa blessure : sa belle fossette au menton c'est une blessure de guerre ! Le seul cinéma de Pozzuoli a rouvert ses portes, c'est le Teatro Sachino et les films sont des films américains. Sofia va beaucoup au cinéma et elle est fascinée par Tyrone Power, Cary Grant, Clark Gable et Franck Sinatra, l'Italien qui a si bien réussi à Hollywood. Chaque fois qu'elle va au cinéma, elle revient un peu plus sure que c'est sa voie : elle a 11 ans et elle sait qu'elle deviendra une actrice. A 14 ans Sofia est demandée en mariage, Romilda refuse de marier sa fille car elle a noté comme tout le monde qu'elle devient très belle et elle rêve mieux pour elle. En fait Romilda rêvait de faire du cinéma, elle ne contrarie donc pas les élans de sa fille, bien au contraire. Un jour un voisin leur dit qu'il faut inscrire Sofia au concours de beauté de la Reine de la Mer à Naples. Ce concours est réservé aux filles de 15 ans minimum. Romilda triche sur son âge et l'inscrit au concours, elle lui fait une robe dans un reste de rideau rose et peint en blanc de vieilles chaussures noires. Elles sont 200 participantes, Sofia  n'est pas la Reine, mais est élue Dauphine. Elle reçoit un billet de train pour Rome, du papier peint et une nappe avec les serviettes assorties ! (environ 35 dollars). Le plus important c'est le billet de train : la mère et la fille partent pour Rome où Sofia s'inscrit dans un cours de théâtre. Pour gagner quelques sous, mère et fille font de la figuration dans Quo Vadis le film de Mervyn Leroy. Maria, qui était restée à Pozzuoli, tombe malade et Romilda doit laisser Sofia seule à Rome. Elle a 16 ans et continue à faire un peu de figuration et des romans-photos ; elle reçoit ses premières lettres d'admirateurs ; elle tourne de petits films, parfois seins nus comme dans Si ,Si, era lui… en 1951, ou Deux nuits avec Cléopâtre en 1953. Cela lui vaudra la censure des scènes de ces films en Italie, mais pas en France ! Puis, elle participe au concours de Miss Italie dans un night-club (« Mille lire per un sorriso »). Là encore, elle ne sera que Première Dauphine, mais dans la salle se trouve un avocat romain qui depuis une dizaine d'années s'est lancé dans la production de films. C'est un producteur très connu qui a lancé entre autres Gina Lollobrigida et Alida Valli. Il lui propose de tourner un bout d'essai car il serait fier de l'avoir sur la liste de ses découvertes. Ce producteur s'appelle Carlo PONTI. Le bout d'essai est un échec car tout le monde la critique : elle n'est pas photogénique, elle a le nez trop long, les hanches trop larges. Carlo Ponti lui dit de faire une chirurgie esthétique et de maigrir, ce qu'elle refuse catégoriquement, elle sait qu'elle est différente, mais elle veut le rester. Elle est très loin  des canons de la  beauté hollywoodienne de l'époque incarnée par la blonde Marylin, mais elle tient à sa personnalité. L'avenir lui prouvera qu'elle a eu raison d'avoir confiance en elle et quelques années plus tard, lorsque toutes les femmes rêveront d'avoir ses mensurations « idéales » 95-58-95 elle dira : « Bien que pauvre et impatiente de tourner j'ai refusé de changer quoi que ce soit, il me prenait telle que j'étais ou pas du tout ». Pour aller à la conquête de cette Amérique qui la fascine, la seule chose qu'elle accepte de changer c'est son nom. Les Américains n'arrivaient pas à prononcer Scicolone, elle cherche donc un nouveau nom : Lazzarro (elle tourne quelques films sous ce nom), ou Lorenzo et finalement elle opte pour le plus simple : Sofia LOREN, à partir de 1952, sur proposition de Giovanni Riccardi, pour son film Sous les mers d’Afrique. Sofia  reconnaît qu'elle a eu la chance de naître raisonnable, mais elle est aussi volontaire et travailleuse, elle ne se décourage jamais. En 1955, elle fait la couverture de Life Magazine. Pour tourner Sous les mers d'Afrique elle apprend à nager. Ce film est totalement oublié, mais il lui permet d'essayer son nouveau nom et de se faire remarquer par Clemente Fracassi qui prépare une version filmée d'Aïda d'après Verdi. Pour Aïda, on lui dit qu'elle n'aura pas à chanter, seulement à faire semblant car sa voix sera doublée par Renata Tebaldi, mais Sofia apprend le chant et répète inlassablement. Elle est capable de chanter entièrement son rôle lors du début du tournage, ce qui lui vaut l'admiration de Carlo PONTI qui lui offre un contrat de 7  ans.... et l'admiration d'un autre acteur napolitain qui commence à réaliser des films : Vittorio DE SICA. Elle tourne d’abord de nombreux films à Hollywood de 1957 à 1961, sous la directions de grands metteurs en scène comme Jean Negulesco, Stanley Kramer, George Cukor, Charlie Chaplin, etc., avec des acteurs comme Cary Grant, Frank Sinatra, John Wayne, Anthony Quin, Clark Gable, Raf Vallone, etc. En 1958, Martin Ritt la fait connaître internationalement par L’orchidée noire, qui lui fait obtenir la coupe Volpi à la Mostra de Venise. De Sica veut Sofia pour jouer le rôle d'une vendeuse de pizza dans L'or de Naples. Il doit insister pour l'imposer car elle est inconnue, mais de Sica a deviné tout le potentiel et l'originalité de cette belle fille qui exhale une passion explosive. Il lui dit : « ne prenez pas de leçons, vous vous formerez vous-même.. » De ce premier contact est née une amitié qui durera jusqu'à ce que la mort de Vittorio y mette fin en 1974. De  Sica lui a donné beaucoup de ses beaux rôles : La Ciociara (La paysanne aux pieds nus) en 1960, Boccace 70 en 1962, Hier, aujourd'hui, demain en 1963 et Mariage à l'italienne en 1964, Les fleurs du soleil en 1970 Le voyage en 1974, et d’autres films, huit en tout. Dans Mariage à l'italienne elle forme  avec Marcello Mastroianni le plus beau couple du cinéma de l'époque ; ils tourneront 10 films ensemble. Et en 1974 elle tournera le dernier film de De Sica, Le voyage. En 1956 lors du tournage de La chance d'être une femme - avec Marcello -, Carlo Ponti pense qu'elle est prête pour une carrière internationale et il lui demande d'apprendre l'Anglais. Soigneusement, Sofia apprend l'Anglais et se tient prête pour une proposition éventuelle qui viendra en 1957. Stanley Kramer lui propose Orgueil et passion où elle est la star féminine, rôle initialement prévu pour Ava Garner. Elle a pour partenaires les idoles de sa jeunesse : Cary Grant et Franck Sinatra. Elle se liera d'amitié avec Sinatra, mais ira beaucoup plus loin que l'amitié avec Cary Grant. Voyant qu'elle va lui échapper, Carlo Ponti lui demande de l'épouser : il a 44 ans et elle 23. Elle accepte ce mariage qui aura lieu par procuration le 17 septembre 1957  au Mexique : ils sont tellement occupés par leurs tournages respectifs qu'ils n'assistent au mariage ni l'un ni autre, ce sont leurs deux avocats qui signent  le contrat pour eux. On n'est pas moins romantiques !! Mais enfin ce devait être un mariage d'amour puisqu'il fut son seul et unique mari et qu'elle lui a donné deux fils : Carlo Junior en 1968 et Edoardo en 1973. Son mariage avec Carlo Ponti a beaucoup alimenté la presse people (à l'époque on disait les journaux à scandale) car le divorce était illégal en Italie et l'Eglise catholique invalide son mariage puisque Carlo est toujours marié (même si la première Mme Ponti est d'accord pour la séparation). Carlo peut donc être inculpé de bigamie et arrêté puisque le tribunal diocésain confirme la validité de sa première union. Pour éviter une arrestation, Sofia et Carlo prennent la nationalité française et habitent à Paris. Ils se remarient une deuxième fois à la mairie de Sèvres, le 9 avril 1968 dans la plus stricte intimité et en présence ... d'eux-mêmes cette fois. Sofia interrompt momentanément sa carrière car elle est enceinte de son premier enfant, elle a 34 ans et sait qu'elle doit choisir entre un enfant et les tournages, car elle a déjà fait de nombreuses fausses couches. Sa nationalité française ne la fait pas oublier par le fisc italien, elle est emprisonnée à Caserte le 19 mai 1981. L'administration lui reproche une dissimulation de biens et une fausse déclaration de revenus : quand on gagne autant d'argent, on peut bien en oublier un peu sans être un tricheur pour autant ! Sofia accepte de faire sa peine de prison car c'est la seule condition pour ne pas être interdite de séjour en Italie, ce qu'elle ne veut à aucun prix. La détention sera de courte durée car son avocat/producteur de mari s'occupera avec diligence de prouver sa bonne foi, de payer l'amende au fisc et de la faire libérer. Elle a été très appréciée de ses voisines d'infortune qui disaient qu'elle était très simple, mangeait comme tout le monde et parlait à tout le monde. Entre temps, les Ponti sont allés vivre en Suisse, car en France c'était la grande époque de kidnappings d'enfants et elle craint que des crapules enlèvent ses fils contre rançon. Elle possède toujours à Genève un bel hôtel particulier dans la vieille ville. La parenthèse de ses aventures de coeur nous a éloignés de sa carrière. Il faut revenir en arrière car si elle est devenue mondialement célèbre c'est grâce à un des films tournés en 1960 par Vittorio de Sica qui la consacre star internationale.  Elle obtient  un Oscar à Hollywood et à Cannes en 1961 un prix d’interprétation féminine et un prix de Meilleure actrice pour La Ciociara d'après le roman de Moravia. Ses partenaires sont Raf Vallone et J. Paul Belmondo. Sofia y joue le rôle tragique de Cesira, une femme qui vit d'expédients pendant la guerre. Elle doit rejoindre Rome avec sa fille de 13 ans au moment de l'approche des Américains. Elle se fait violer par un soldat marocain et apprend la mort de l'homme qu'elle aime. Sofia a beaucoup puisé dans sa mémoire pour donner l'émotion du rôle. Elle a vécu 15 ans auparavant des moments similaires : « pour préparer le rôle, j'ai ouvert les écluses de ma mémoire, laissant les bombardements, les nuits dans le tunnel, les massacres, les viols derrière moi. Je me suis concentrée sur ma mère, ses craintes, ses sacrifices et la façon dont elle nous a protégées des fléaux de la guerre ». Pour l'anecdote, de Sica avait pensé à Anna Magnani pour la mère et Sofia pour la fille. Vexée, Anna Magnani refuse catégoriquement de jouer la mère en disant de manière sarcastique à de Sica que puisqu'il était tellement entiché de Sofia il n'avait qu'à lui donner le rôle ! Ce qu'il fit en rajeunissant d'autant la fille et, ce qui permit à Sofia d'avoir sa double récompense à Hollywood et à Cannes, attisant encore un peu plus la jalousie d'A. Magnani ! Dans certains films Sofia chante et en 1961 dans La milliardaire, elle obtient un beau succès avec les chansons du film, elle vend 250.000 disques. Les dirigeants de la R.C.A., voyant qu'elle peut rapporter gros lui proposent un contrat très avantageux pour qu'elle fasse 28 chansons par an.  Mais là encore elle refuse, consciente de sa valeur : « mon métier est d'être actrice, j'essaye de faire de mon mieux. La chanson reste un passe-temps agréable et je chanterai volontiers une chanson ou deux dans mes films, mais en dehors de cela je n'ai pas d'autre prétention ». Les  grands metteurs en scène confient beaucoup de beaux rôles à Sofia : La diablesse en collants roses – George Cukor – 1960, Le Cid – Antony Mann – 1960, Madame sans gêne – Christian Jacques – 1961, Hier, Aujourd'hui, demain – Vittorio de Sica – 1963, Mariage à l'italienne – Vittorio de Sica - 1964, La chute de l'empire Romain – Antony Mann – 1964, La comtesse de Hong Kong – Charlie Chaplin – 1967, La femme du prêtre – Dino Risi – 1970, Verdict – André Cayatte – 1974, Une journée particulière – Ettore Scola – 1977, son dernier grand rôle. Dans ce dernier film, elle retrouve encore une fois Marcello. Ce film est un souvenir d'enfant  d'Ettore Scola qui avait 6 ans lorsqu’Hitler est venu à Rome le 8 mai 1938 pour rencontrer Mussolini. C'est l'histoire de cette journée particulière de liesse fasciste dont deux personnes sont exclues : une mère de famille nombreuse et un homosexuel. Sofia est sans maquillage dans sa cuisine, en tablier, elle fait le ménage tout le temps : elle est superbe. Elle ne reviendra à l’écran qu’en 1984 avec Aurora, de Maurizio Ponzi, où elle joue avec son fils Edoardo. En 1994 elle fait une apparition dans Prêt à Porter de Robert Altam, son complice de toujours Marcello est encore là. En 1996 elle est la mère de Roger Hanin (enfant bien sûr) dans Soleil du même Roger Hanin. Dans toute sa carrière d'environ 50 ans, elle a tourné plus de 100 films. En 1990 elle reçoit un Oscar d'honneur à Hollywood et un César d'honneur  pour l'ensemble de sa carrière, comme l'année de la Ciociara ! Elle a reçu aussi plusieurs « David de Donatello » de la meilleure actrice principale. En 2006, à 71 ans, elle pose pour le calendrier Pirelli. Sa sœur Anna-Maria a épousé Romano Mussolini, le fils du dictateur, qui était un excellent pianiste de jazz, malgré l’interdiction de son père de jouer cette musique « de nègre » ; elle est la mère d’Alessandra Mussolini, la députée ex-néofasciste italienne qui est donc la nièce de Sofia Loren. Sofia Loren inaugure aussi les nouveaux paquebots de MSC Croisières. Espérons qu’ils ne sont pas de ceux qui passent à Venise. On ne devient pas Sofia LOREN par hasard, toute sa vie elle été travailleuse, tenace et volontaire dotée d'une énergie vitale peu commune. Mais pourquoi, chère Sofia, avez vous cédé aux démons du Botox et de la chirurgie esthétique à 80 ans ?  Qu'aviez-vous encore à prouver à 80 ans ? C'est votre seule erreur de casting ... Annie Chikhi 30 mai 2015
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