4.3. L’histoire des villes :  Ferrara ( Palazzo Schifanoia)
Fresques du palais Schifanoia Alberto V d’Este (1347-1393) fait construire le palais Schifanoia comme «  delizia  », lieu de loisir destiné aux rencontres, échanges diplomatiques. Borso d’Este (1450-1471) le fait surélever d’un étage en 1465, pour y installer l’appartement ducal muni d’un grand salon d’honneur, la «  salle des mois  » (1469-70) à laquelle on accédait à partir du jardin par un escalier monumental adossé à la loggia d’été. Borso voulait que le salon soit prêt pour son investiture comme duc de Ferrare par le pape Paul II, prévue en 1471. et dont la cérémonie avait été probablement représentée sur la paroi sud disparue. Fils illégitime du marquis  Niccolò III, il attachait d’autant plus d’importance à cette reconnaissance  officielle de son rang.  Les Este ayant transféré leur cour à Modène en 1598, le palais perdit son intérêt  ; les constructions extérieures sont démolies après 1703 lorsque le palais est revendu à la famille Tassoni. L’ancienne porte est encore visible dans la paroi Nord, face à la paroi sud avec la représentation des mois de janvier et février aujourd’hui illisibles. Le palais est ensuite sous-loué à une Manufacture des Tabacs et les fresques sont recouvertes d’un enduis. Il servira aussi de grenier à blé. Il devient communal en 1918 et les fresques sont récupérées entre 1820 et 1840. C’est l’unique cycle de fresques (complétées à la détrempe) qui subsiste de l’époque du duc Borso. Les auteurs sont les peintres de l’  «  Officina ferrarese  », Cosmè Tura, Francesco del Cossa et Ercole de’ Roberti, Baldassare d’Este, Lorenzo Costa, élève de Tura, etc.. Le salon, de 24 m. de long, 11 m. de large et de 7,50 m. de haut, produit un effet qui rappelle les grandes tapisseries utilisées pour décorer les palais princiers. Il est divisé en 12 sections (les 12 mois), dont 7 seulement restent intactes, divisées en 3 bandes horizontales  : en haut les divinités sur des chars de triomphe, en bas des scènes de la vie de cour sous Borso d’Este  ; au milieu les signes du zodiaque qui correspondent à chaque mois, entourés par 3 figures  : les décans, personnification des étoiles fixes. La salle représente donc un système de relations astrales, lié à la tradition des calendriers astrologiques. Le thème du cycle des mois était très répandu dans l’art du Moyen-âge  : il mettait en rapport  l’ordre cosmique sacré avec le travail agricole quotidien (Cf. dans la cathédrale de Ferrare la «  porte des mois  » conservée au Musée de la Cathédrale, et dans d’autres églises émiliennes). Dans l’art gothique et courtois, on y ajoute des scènes élégantes ou fantastiques  ; dans le gothique international, il devient l’occasion  de montrer le faste de la vie de cour, en contraste avec les peines de la vie paysanne, et l’activité politique ou les divertissements des familles régnantes (Voir aussi Pisanello) La poésie célébrait volontiers la suite des mois  : par exemple Folgòre da San Gimignano (1275-1332) et  Cenne della Chitarra (mort entre 1322 et 1336), auxquels se réfère Francesco Guccini dans sa Canzone dei dodici mesi (1972). La source des Triomphes est le poème latin Astronomicon de Marcus Manilius (1 er  s. av.J.C.), dont on a retrouvé un manuscrit de Poggio Bracciolini de 1417 au monastère de San Gallo, enrichi de textes comme la Généalogie des dieux de Boccace (dont existaient 2 copies dans la bibliothèque de Borso), et évidemment avec une référence aux Triomphes de Pétrarque (commencés en 1337 à Vaucluse et terminés la veille de sa mort le 12 février 1374). À côté du char des dieux apparaissent les «  enfants de la planète  », c’est-à-dire les catégories de personnes qui, selon leur activité et leur tempérament, sont sous la protection et l’influence de la divinité. Les signes du zodiaque sont au contraire d’origine égyptienne (entre le XXIIe et le XXIe siècles av. J.C.), complétés par les divinités grecques réélaborées par Teucro di Babilonia, puis l’astrologue arabe  Albumashar (+886), lui même traduit en latin par Pietro d’Abano en 1293. La bande inférieure est consacrée aux activités de Borso d’Este et de sa cour, de façon à exalter le sens de la justice du duc et les événements joyeux arrivés à Ferrare à cette époque  ; ainsi les scènes chevaleresques, liées à la tradition française, sont peut-être à rapporter à une joute de 1464. Le programme iconographique a sans doute été élaboré par Pellegrino Presciani, professeur d’astrologie à l’Université de Ferrare, bibliothécaire et surintendant aux Beaux Arts de la cour. Ce cycle de fresques est significatif de la culture classique, chevaleresque, astrologique, littéraire des princes de Ferrare et de leur volonté de mobiliser les artistes pour leur faire célébrer le prestige de leur carrière politique. Le salon des mois est un bel exemple de manifeste politique en même temps que de culture artistique. Commentaire  (selon le n° du plan ci-contre)  : 137  : Borso proclamé duc de Ferrare (attribué à Baldassare d’Este). 138  : cour du château d’Este. 139  : cavaliers (Cosmè Tura) 140  : Mois de Mars (Bélier) - Triomphe de Minerve (Cossa). Char tiré par 2 chevaux blancs  ; sur le côté gauche, un groupe de sages lisant et discutant  ; à dr., groupe de femmes en train de tisser. 141  : 1 er , 2 e  et 3 e   décans  : au centre, le Bélier surmonté du Printemps et de la Sagesse  ; à g. la Paresse  ; à dr. l’Activité (Cossa). 142 : En bas à dr., face à un élégant édifice avec des blasons, des «  putti  » et des médaillons, Borso administre la justice  ; à g., le duc part à la chasse avec ses chiens et ses faucons sur un fond de paysage agreste et de paysans en train de tailler la vigne (L. Costa). 143  : Mois d’avril (Taureau) – Triomphe de Vénus (Cossa).. Char traîné par des cygnes, glissant sur les eaux d’un fleuve  ; la déesse de l’Amour célèbre sa victoire sur Mars en armure enchaîné et agenouillé. Sur le fond, rochers fantastiques avec les Trois Grâces. Sur le pré au bord de la mer, lapins blancs, symboles de fertilité. Autour du char, des jeunes gens élégants font de la musique, parlent d’amour et s’embrassent ou s’étreignent. 144  : 4 e , 5 e , 6 e  décans  : au centre, taureau surmonté d’un homme qui tient dans sa main droite la clé du Printemps  ; à g. le Bonheur maternel  ; à dr. la Débauche (Cossa). 145  : Borso part pour la chasse avec ses chevaliers  ; couse du Palio de S. Georges à Ferrare, avec dames et chevaliers à la fenêtre. Au cours des fêtes, on faisait courir nus sur des ânes les prostituées, les nains et les juifs  ; à dr. Borso donne une pièce de monnaie au bouffon de cour Scocola (Cossa). 146  : Mois de mai  (Gémeaux) – Triomphe d’Apollon (Cossa). Au centre, le dieu qui tient en main un globe et un arc sur un char conduit par Aurore  ; sur le fond les 9 Muses et troupe d’enfants joufflus  ; de l’autre côté, symboles liés au culte du dieu. 147  : 7e, 8e, 9e décans  : au centre, les Gémeaux surmontés par un homme à genoux qui écoute un joueur de flûte  ; à g. un homme enseigne à un jeune homme les règles de la poésie et de la musique  ; à dr. un homme muni d’un arc et de 3 flèches montre des fleurs et des fruits dans les plis de son manteau (Cossa). 148  : scènes de moissons et de chasse (Cossa). 149  : Chevaliers avec des drapeaux (Tura  ? Baldassare d’Este  ?) 150  : Mois de juin (Cancer) – Triomphe de Mercure (attribué à un anonyme surnommé le «  Maître aux yeux ouverts  »)  : au centre le dieu (char traîné par 2 aigles)  ; à g. les marchands et les musiciens  ; à dr. magasins de chaussures et mercerie.  ; un loup et un singe (symboles du commerce)  ; la nymphe Io transformée en génisse, Argus décapité. 151  : 10 e , 11 e , 12 e  décans  : au centre le Cancer (une langouste) surmonté par la Justice qui juge une âme de forme humaine  ; à g.la Malchance (ou la Folie  ?)  ; à dr. le Vol (même peintre que 150). 152  : Borso et son cortège  ; le duc va recevoir un cadeau  ; les travaux des champs en juin aux environs de Ferrare et du Pô  ; soldats à pied et à cheval (même peintre). 153 : Mois de juillet (Lion) – Triomphe de Jupiter (même peintre  ?)  : au centre Jupiter et Cybèle (déesse de la fécondité) traînés par 2 lions  ; à g. un mariage, peut-être celui de Blanche, soeur de Borso, avec Pic de la Mirandole  ; à dr. moines qui entonnent une musique guerrière et chevaliers armés qui se préparent à aller combattre les Turcs en Orient. 154  : 13 e , 14 e , 15 e  décans  : au centre le Lion surmonté par un homme qui symbolise le Pouvoir  ; à g. la Modération dans le commandement, aplatie dans les branches entre un chien et une tourterelle  ; à dr. l’Avidité (De’ Roberti  ?). 155  : au centre, Borso reçoit une feuille d’un paysan  ; à g. le duc regarde des paysans qui travaillent  le chanvre ; à dr.le duc à cheval sous une arcade avec 4 cavaliers (Tura  ? Costa  ? Cossa  ? autre  ?). 156  : Cortège dans le château (Cossa  ? Maître aux yeux ouverts  ?) . 157  : Mois d’août (Vierge) – Triomphe de Cérès (Tura  ?)  : au centre Cérès (Déméter), déesse des moissons, sur un char traîné par des dragons et l’enlèvement de Proserpine (Perséphone), sa fille, par Pluton dieu de l’agriculture et de la richesse, et ses demoiselles d’honneur qui se lamentent  ; à g. le Labour  ; à dr. la Moisson. 158  : 16 e , 17 e , 18 e  décans  : au centre une figure masculine qui symbolise le Calcul  ; à g. la Providence  ; à dr. la Prière ou la Gratitude (Tura). 159  : Borso reçoit un message d’un envoyé de  Bologne ; le duc avance à cheval vers un palais  ; des paysans font piétiner les gerbes par des chevaux (Tura). 160  : Mois de septembre (Balance) – Triomphe de Vulcain  (Tura)  : au centre le dieu Vulcain sur le char de la Sensualité traîné par des singes  ; à g. la Forge de Vulcain et le Cyclopes au travail  ; à l’entrée de la Forge, un écusson avec Romulus et Remus allaités par la louve  ; à dr. scène érotique  : l’accouplement  de Mars avec la nymphe Ilia d’où naîtront, selon Ovide (Métamorphoses  XIV), les deux jumeaux fondateurs de Rome. 161  : 19 e , 20 e , 21 e  décans  : au centre la Balance surmontée par une femme à genoux, peut-être la Chasteté  ; à g. la Pureté  ; à dr. la Licence des moeurs (Tura  e De’ Roberti). 162  : Borso reçoit un patricien vénitien, peut-être Paolo Morosini envoyé pour discuter de la question des frontières du Polesine de Rovigo  ; à dr. départ pour la chasse. Sur le fond, vendanges. Détails  : Mars  : tissage  ;                                  taille de la vigne. Ci-dessus : Mars, signe du Bélier.                           À dr. : Avril, Borso et le bouffon Scocola. Ci-dessous : Avril, signe du Taureau. À dr. : Septembre, la Forge de Vulcain. En bas : Août, signe de la Vierge.
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