La chanson par auteur
Quelques auteurs compositeurs interprètes avant les cantautori
Armando Gill, Rodolfo De Angelis, E.A. Mario, Oscar Spadaro...
Au début des années 1960, Enrico De Angelis invente le mot de « cantautore » pour désigner les chanteurs qui écrivent eux-mêmes texte et partition des chansons qu'ils interprètent (Voir nos ouvrages La chanson en Italie, des origines aux lendemains de 1968, Presses Universitaires de Provence, 2019, et La chanson dans la culture italienne, Champion, 1999). Mais bien avant, dès la fin du XIXe siècle, naquirent des chanteurs compositeurs, auteurs et interprètes de leurs propres chansons, par amour de la chansons et de la poésie, et pour mieux chanter la beauté et la grandeur de leur ville (la beauté de Naples) ou de leur région, ou tout simplement le goût d'une meilleure forme de chanson.
Armando Gill
C'est un des premiers et des plus importants. Il était né dans une famille aristocratique de Naples le 23 juillet 1877, sous le nom de Michele Testa, troisième de six enfants de Pasquale Testa Piccolomini et Concetta Saracino. Son père disait descendre de la grande famille siennoise Piccolomini mais était propriétaire d'une petite distillerie. Dès l'âge de 9 ans, il fut envoyé au Collège (l'istituto Chierchia) dans le but de faire de grandes études d'avocat, qui était le rêve des grandes familles bourgeoises et aristocratiques. Michele fait de bonnes études et étonne aussitôt ses professeurs par son habileté poétique d'improvisateur. Après avoir passé son baccalauréat, il s'inscrit à la Faculté de Droit de Naples, mais abandonne ses examens avant même d'avoir passé sa licence, il sait que sa vocation est ailleurs, mais surtout, dit-on, pour suivre une séduisante actrice d'un des cafés-chantants qu'il affectionnait. Son père est furieux, et pour ne pas l'embarrasser, Michele prend le nom de scène de Armando Gill, emprunté à celui du spadassin Martino Gill, héros populaire des fascicules hebdomadaires de l'éditeur Sonzogno, spadassin au service du roi Philippe II. Ainsi il manifeste son intention de créer un personnage qui n'a plus rien à voir avec la réalité sociale de Michele Testa, et en ce sens il est loin des « cantautori » qui voulaient au contraire exprimer leur propre réalité humaine (Voir sur ce point la Tesi di Laurea de Fabio Strazzer, La canzone d'autore in Italia, il testo tra musica e poesia, Università Ca' Foscari, 2015 - Accessible sur Internet) : c'est un personnage de viveur de la bourgeoisie napolitaine, tombeur de femmes, séducteur, élégant, vêtu d'un frac, avec un nœud papillon blanc, un monocle pour cacher qu'il louchait ; il avait toujours un gardénia ou un camélia à la boutonnière, et sa mèche de cheveux noirs qu'il repoussait sur sa tête d'un geste élégant ; même sa voix assez aiguë de fausset, qui fut la base de nombreuses caricatures, faisait partie de ce personnage d'acteur, que le public du Salon Marguerite puis du Théâtre du Trianon adorait et redemandait toujours. Un personnage d'acteur de théâtre ! Il présentait parfois ses chansons dans un concert en disant : « Vers d'Armando, musique de Gill, interprété par Armando Gill » ! Ou il se faisait présenter avant d'entrer en scène par un : « Armando simple poète, Gill le musicien, Armando Gill, l'artiste ».
Très suivi en Italie, à Rome en particulier, il a aussi parcouru de nombreuses villes d'Europe, mais il n'aime pas le bateau et refusa toujours d'aller chanter aux États-Unis où il avait été invité. Il avait un grand art de séduire le public, et pouvait même improviser une chanson sur scène à la demande du public ; il avait déjà 53 ans quand il vit de la scène une jeune spectatrice qui lui plut, et à qui il chanta une déclaration d'amour : c'est ainsi qu'en 1925, il épousa la jeune Assunta Irma Fricchione.
Il fut aussi le premier à avoir créé le marketing commercial de ses chansons en 1918 : pour Come pioveva, Naples apparaît un matin couverte d'affiches qui représentaient un parapluie, était-ce une nouvelle marque de parapluie ? Mais une semaine après, apparaissent les affiches avec le parapluie et le titre de la chanson, puis encore une semaine plus tard une dernière affiche avec tout le programme de la chanson et le nom de l'auteur. En 2008 est institué un nouveau prix de la chanson dédié à Armando Gill.
En 1943, il cède son catalogue aux éditions Bideri, et se retire dans son palais, où il meurt dans la nuit du 31 décembre 1944 au 1er janvier 1945, entouré de sa jeune épouse, de ses chats, de ses chiens et de ses petits oiseaux ; on dit même qu'il avait appris à un de ses canaris le refrain de Come pioveva. Mais c'était le temps de la libération de Naples (à partir des 4 journées de lutte du 27 au 30 septembre 1943, et les troupes américaines sont dans la ville), et sa mort passa un peu inaperçue.
Stornelli del cuore (1912)
Un premier filon d'Armando Gill est celui de la chanson populaire. Il avait commencé à fréquenter les « periodiche », ces rencontres dans les salons des grands appartements bourgeois où on invitait les chanteurs en laissant les fenêtres ouvertes pour être entendu du peuple de la rue ; il était aussi invité dans les cafés-chantants et les premiers théâtres de variété. C'était le temps d'après l'Unité, où on pensait que la culture populaire disparaîtrait au profit de la « modernité » de la révolution industrielle, et qu'il fallait donc archiver les chansons populaires pour être sûrs de les conserver, ce que commencèrent à faire Camillo Cavour et son secrétaire Costantino Nigra pour les chants populaires du Piémont (1888). Les chanteurs reprennent également volontiers les formes et les rythmes de ces chants, c'est ce que fit Armando Gill dans ses débuts, peut-être aussi parce qu'il n'avait pas de formation musicale, mais connaissait bien depuis son enfance la vie des quartiers populaires de Naples, où se trouvait le palais de ses parents. Plus tard, il écrivit même Stornelli neri, une chanson profasciste favorable à la conquête de l'Éthiopie.
Le mot « stornello » vient du provençal « estorn » = débat, dispute poétique, en italien le verbe « stornare » = tourner, poésie populaire de l'Italie centrale et méridionale à partir du XIIe siècle, qui constituait un échange de vers entre deux poètes concurrents (d'où l'autre étymologie possible, le toscan « disturna », même sens de débat poétique) composée de trois vers, un vers de 5 syllabes évoquant généralement une fleur, et deux hendécasyllabes dont le deuxième rime avec le premier pentasyllabe. Dans d'autres régions il s'appelle aussi « fioretto » (Sicile), « fiore » (Marches), « strunello » (Ligurie) ; avec Pietro Mascagni dans Cavalleria rusticana (1890), le stornello entre dans la musique classique.
Stornelli del cuore
(Vers et Musique d’Armando Gill, 1912 - Interprète : Olimpia d’Avigny)
Fior di Gaggia ...
Io nell’amar non ci ha creduto mai :
il credere alla donna è una follia ;
fior di Gaggia.
Ma quando, un giorno, a caso, l’incontrai
con gli occhi belli di malinconia
subitamente me ne innamorai.
Fior di Gaggia ...
Gioca l’amore, gioca e si trastulla ...
La vita senza amor non vale nulla.
Fior di Gaggia ...
Fior di Mughetto ...
La bella per la quale io vado matto
E’ tutta grazia e non tiene difetto,
Fior di Mughetto
Tiene un visino che è così perfetto
Un corpicino che è così ben fatto
Che una madonna par del Tintoretto,
Fior di Mughetto.
Gioca l’amore gioca e si trastulla ...
La vita senza amar non vale nulla.
Fior d’Amaranto ...
Negli occhi tuoi v’è tanto sentimento
Per carità non mi guardare tanto
Fior d’Amaranto ...
Starei tutta la vita a te d’accanto
Per dare sfogo a questo mio tormento
Per dare tregua al mio perenne pianto
Fior d’Amaranto ...
Gioca l’amore, gioca e si trastulla ...
La vita senza amar non vale nulla.
Fiorin di Noce ...
La bella mia quando ricama o cuce
Canta uno stornellino a mezza voce,
Fiorin di Noce ...
La piccola manina va veloce,
Scintilla l’ago, il filo si riduce,
e il nome mio col suo rimane in croce,
Fiorin di Noce ...
Gioca l’amore, gioca e si trastulla ...
La vita senza amar non vale nulla.
Traduction française
Fleur de cassier
moi je n’ai jamais cru à l’amour
croire en la femme est une folie ;
Fleur de cassier.
Mais quand un jour par hasard je la rencontrai
avec ses beaux yeux pleins de mélancolie
aussitôt j’en tombai amoureux.
Fleur de cassier ...
L’amour joue, il joue et il s’amuse
La vie sans amour ne vaut rien.
Fleur de cassier ...
Fleur de muguet
La belle dont je suis fou
est toute de grâce et n’a point de défaut
Fleur de muguet
elle a un petit visage qui est si parfait
un petit corps qui est si bien fait
qu’on dirait une Vierge du Tintoret,
Fleur de muguet.
L’amour joue, il joue et il s’amuse...
La vie sans amour ne vaut rien.
Fleur d’amarante...
dans tes yeux il y a tant de sentiment
par charité, ne me regarde pas tant
Fleur d’amarante...
Je resterais toute ma vie à côté de toi
pour épancher mon tourment
pour donner trêve à mes pleurs éternels
Fleur d’amarante...
L’amour joue, il joue et il s’amuse...
La vie sans amour ne vaut rien.
Petite fleur de noyer...
ma belle quand elle brode ou coud
chante à mi-voix une petit stornello,
Petite fleur de noyer...
La petite main va vite
l’aiguille scintille, le fil se réduit
et mon nom reste en croix avec le sien,
Petite fleur de noyer...
L’amour joue, il joue et il s’amuse...
La vie sans amour ne vaut rien.
Déjà en 1909, Armando Gill avait composé ce stornello moins régulier :
Stornelli montagnoli e campagnoli
(Testo : Armando Gill, Musica : Alfredo Mazzucchi, 1909)
Del mio paesello
dei miei prati e la campagna
della montagna - canto gli amor.
Cinta di rami - V'è una bella fattoria
La vita mia - Ivi passo notte e dì
Là tra il canto d'un uccello
mormora il ruscello
sempre chiaro e bello.
Quant'armonia. Quanta poesia.
Una bella contadina
che sera e mattina
sempre m'è vicina.
Così in montagna - l'amore si fa.
Quando di maggio - le ciliege sono nere
con che piacere si fa l'amor.
Lei sulla scala - Io di sotto che la reggo
E tutto veggo - Foglie, frutti e cielo ancor.
Quando il cesto è pieno io godo
Lei discende a modo
Ma un cattivo chiodo
la veste impiglia – Lei si scompiglia
Scende ancora ma si straccia
si fa rossa in faccia
poi mi cade in braccia
sotto al ciliegio l'amore si fa.
Quando di luglio – il bel grano è maturato
Rosina al prato – Cantando va
Con la sua falce – Ella miete tratto tratto
Mentr'io i soppiatto – Sto a mirar le sue beltà
quelle sue movenze franche
quelle braccia bianche,
quell'andar dell'anche
mi dan tormento - Mio Dio che sento
Corro a darle un bel bacione
lei mi dà un ceffone
si fa un ruzzolone
così nel grano l'amor si fa !
Dalle casette sparse intorno per le valli
cantano i galli prima del mattin.
È l'alba : il sole – bacia i monti e le colline
e per le chine – vanno i greggi e i pastor.
Per la strada polverosa
Quando incontro Rosa
che fa la ritrosa,
ma poi pian piano ci diam la mano
ed al lavoro andiam giulivi
Mentre tra gli ulivi
ci baciam furtivi
Così in montagna l'amor si fa.
Quando in ottobre la vendemmia a far sen viene
come sa bene - l'uva pigiar
Tinello nuovo – Gambe bianche, vino d'oro
O che tesoro – che guadagnerà il padron
se mi porge d'uva un poco.
Mi combina un gioco
che mi mette il foco
Grappol maturo - Ma cuore duro
io le fo : vienmo vicino
e no sporco il vino,
Ti rovescio il tino
Così in vendemmia – L'amore si fa.
Quando al tramonto, noi sentiam della campana
l'eco lontana, pei campi andar
l'erba raccolta carichiam sull'asinella
lei monta in sella, mentre ch'io la seguo a piè ;
Lieti nel tramonto d'oro,
lasciano il lavor
i contadini e in coro
cantan per via. Quanta poesia.
Mentre ch'io le fo coraggio
lungo il nostro viaggio
che sposiamo a maggio.
Così al tramonto l'amor si fa.
Comptine de la montagne et de la campagne
De mon petit village
de mes prés et de ma campagne
de ma montagne je chante les amours.
Enveloppée de branches – Il y a une belle ferme
ma vie – je passe ici nuit et jour
Là dans le chant d'un oiseau
murmure le ruisseau
toujours clair et beau.
Que d'harmonie. Que de poésie.
Une belle paysanne
qui le soir et le matin
est toujours à côté de moi.
C'est comme ça dans la montagne – qu'on fait l'amour.
Quand en mai – les cerises sont noires
avec quel plaisir on fait l'amour.
Elle sur l'échelle – Moi dessous qui la soutient
et je vois tout – Feuilles, fruits et aussi le ciel
Quand le panier est plein je jouis
Elle descend comme elle peut
mais un vilain clou
accroche sa robe – Elle se trouble
elle descend encore mais elle se déchire
son visage devient rouge
puis elle me tombe dans les bras.
sous le cerisier on fait l'amour.
Quand en juillet - le beau blé a mûri
Rosina au pré – va en chantant
avec sa faux - elle moissonne
Moi je regarde furtivement – Je regarde ses beautés
ses mouvements gracieux et francs
ses bras blancs,
ce mouvement des hanches
me tourmentent – Mon Dieu, qu'est-ce que je sens.
Je cours lui donner un gros baiser
elle me donne une claque
on fait une dégringolade
c'est comme ça qu'on fait l'amour dans le blé !
Depuis les petites maisons éparse dans les vallées
les coqs chantent avant le matin.
C'est l'aube : le soleil - embrasse les montagnes et les collines
et sur les pentes - passent les troupeaux et les bergers.
Sur la route poussiéreuse
Quand je rencontre Rose
qui fait sa timide,
mais peu à peu nous nous donnons la main
et nous allons joyeusement au travail
tandis que sous les oliviers
nous nous embrassons furtivement
C'est ainsi qu'à la montagne on fait l'amour.
Quand en octobre on vient faire les vendanges
comme elle sait bien fouler le raisin
Cuve nouvelle – Jambes blanches, vin d'or
O quel trésor – gagnera le patron
s'il me tend un peu de raisin.
Elle me combine un jeu
qui me met en feu
Grappe mure – Mais cœur dure
moi je lui fais : viens près de moi
sinon je souille le vin
Je renverse ta cuve
C'est comme ça que pendant les vendanges – on fait l'amour.
Quand au coucher du soleil, nous entendons l'écho
lointain de la cloche, nous allons dans les champs
nous chargeons l'herbe récoltée sur la petite ânesse
elle monte en selle, tandis que je la suis à pied ;
heureux dans ce couchant doré,
les paysans quittent leur travail
et en chœur
ils chantent sur la route. Que de poésie.
Tandis que moi je lui donne courage
le long de notre voyage
car nous nous marions au mois de Mai.
C'est ainsi qu'au couchant on fait l'amour.
Incertitude : autrefois on disait « fare all'amore » = fréquenter, et le « moroso » était le fiancé. Aujourd'hui, « fare l'amore » (ou « fare sesso ») indique l'acte sexuel. Qu'en est-il pour cette chanson de Gill ? L’ambiguïté est grande !
Gill a utilisé aussi d'autres rythmes populaires, comme le « rispetto ». C'était une forme de poésie lyrique populaire monostrophique en hendécasyllabes, sur le schéma ABABCCDD, quatre vers à rimes alternées suivis de quatre autres à rimes plates. Le « rispetto » = respect » est une forme élégante destinée à rendre hommage à la personne aimée ; on lui opposait le « dispetto » = le dépit, la méchanceté. Il a évolué, selon les époques et les régions d'Italie, jusqu'à se confondre quelquefois avec le stornello. Ici il s'agit plutôt, sous l'ironie, d'un « dispetto » qui suit un « rispetto » :
Rispetti all'antica
(Testo e musica : Armando Gill, Interprète : Roberto Ciaramella, 1922)
Prima di lasciar voi, mio dolce amore
dovrei vedere i monti camminare
che il giorno fosse di quarantottore
e che di pietra diventasse il mare
Se tutto questo non potrà accadere
sempre nel cor vi vo' tenere
se tutto ciò giammai potrà avvenire
prima di lasciar voi dovrei morire !
Così l'amore
che viene e va
gioia e dolore
sempre ci dà !
La casa benedico ove sei nata
la casa patria che ti diè la vita ;
la cara fonte che ti ha battezzata,
le fresche valli che t'hanno fiorito
gli occhi benedico e i tuoi capelli
che mai non ne ho veduti così belli...
le grazie benedico del tuo viso
che m'hanno dato in terra il Paradiso.
Per quante gocce d'acqua conta il mare
per quante stelle conta il ciel sereno
per tante ne ho fatt'io lagrime amare
per fare intenerir quel duro seno
quando alfin credevo esser amato
lei per un altro amore m'ha lasciato
quando alfin credevo fosse mia
uno più bello me la portò via !
Lei mi giurava amore e non m'amava,
lei mi giurava fede e non ne aveva
con ogni giovanotto che incontrava
faceva la civetta e ci rideva
ed io che per amarla l'ho stimata
lei mi lasciò così falsa ed ingrata
egli non la voleva l'ha ottenuta
e Lei senza coscienza s'è perduta.
Couplets à l'ancienne
Avant de vous quitter, mon doux amour
je devrais voir marcher les montagnes
que le jour fût de quarante huit heures
et que la mer devienne de pierre
Si tout cela ne peut pas arriver
je vous garderai toujours dans mon cœur
si tout cela ne peut jamais se passer
avant de vous quitter je devrais mourir !
Ainsi l'amour
qui vient et vagabonde
joie et douleurs
nous donne toujours !
Je bénis la maison où tu es née,
la maison paternelle qui te donna la vie ;
la chère fontaine qui t'a baptisée,
les fraîches vallées qui t'ont vue fleurir
je bénis tes yeux et tes cheveux
que je n'en ai jamais vu de plus beaux...
je bénis les grâces de ton visage
qui m'ont donné le Paradis sur terre.
Pour toutes les gouttes d'eau que compte la mer
pour toutes les étoiles que compte le ciel serein
pour toutes j'ai versé des larmes amères
pour attendrir ton sein dur
et quand je croyais enfin être aimé
elle, pour un autre amour, elle m'a quitté
quand je pensais qu'elle allait enfin être à moi
un homme plus beau me l'a emportée !
Elle me jurait son amour et elle ne m'aimait pas
elle me jurait sa foi et n'en avait pas
avec chaque jeune homme qu'elle rencontrait
elle faisait la coquette et s'en riait
et moi qui parce que je l'aimais l'ai estimée
elle m'a quittée dans le mensonge et l'ingratitude
il ne voulait pas d'elle, il l'a obtenue
et elle sans s'en rendre compte elle s'est perdue.
Gina mia
(Versi e Musica di Armando Gill, 1911, Interprete : Nina De Charny)
Conoscete voi la mia Gina? (ripete)
Se non la conoscete, allor si sa,
Voi non sapete cosa sia beltà.
lo la vedo sera e mattina, (ripete)
Quando dal suo lavoro viene e va,
Gentile e bella che incantar mi fa!
Ed è alla grazia delle sue bellezze
Che mi porta amore,
Ed è all'incanto delle sue fattezze
Che si ferma il cor !
Ma se domando a Gina
Perchè il mio core non mi ridà,
Risponde, biricchina,
Che non m'ha visto, che non mi sa!
La boccuccia della mia Gina (ripete)
E' il più grazioso incastro natural,
Coralli e perle, che non v'ha l'egual
Lei sorride sera e mattina, (ripete)
E quando mi sorride mi viene mal,
E se mi parla un fremito m'assaI!
Ed è al sorriso della bella bocca
Che mi porta amore,
Ed è all'incanto che così mi tocca
Che vi resta il cor !
Gli occhi belli della mia Gina (ripete)
Sono profondi e azzurri come il mar,
Quanti misteri lasciano sognar!
Lei mi guarda sera e mattina (ripete):
lo penso che, se il mare sa ingannar,
Di quei begli occhi non ti puoi fidar !
Ed è nel mare di quegli occhi belli
Che mi porta amore,
Ed è nel fondo di quei due gioielli
Che ci perdo il cor !
I capelli della mia Gina (ripete)
Son lunghi e biondi come fili d'or ;
Hanno il valore del più gran tesoro
Lei li intreccia sera e mattina (ripete)
E li dispone così ben tra lor,
Che l'arte non farìa miglior lavor!
Ed è nei nodi delle treccie bionde
Che mi porta amore,
Ed è in quei nodi ch'ella mi nasconde
m'imprigiona il cor !
Ma Gina
Connaissez-vous ma Gina ? (répète)
Si vous ne la connaissez pas, alors vous savez,
Vous ne savez pas ce qu'est la beauté.
Moi je la vois le soir et le matin, (répète)
Quand elle va et vient de son travail,
Gentille et belle, elle m'enchante !
Et c'est à la grâce de ses beautés
Qu'elle m'apporte l'amour,
Et c'est à l'enchantement de ses traits
Que mon cœur s'arrête !
Mais si je demande à Gina
Pourquoi mon cœur ne me revient pas,
Elle répond, petite coquine,
Qu'elle ne m'a pas vu, qu'elle ne me connaît pas !
La petite bouche de ma Gina (répète)
C'est le plus gracieux assemblage naturel,
Coraux et perles, qui n'ont pas leur pareil
Elle sourit le soir et le matin, (répète)
Et quand elle me sourit, je me sens mal,
Et si elle me parle, un frisson m'assaille !
Et c'est au sourire de sa belle bouche
Qu'elle m'apporte l'amour,
Et c'est à l'enchantement qui ainsi me touche
Que mon cœur reste captif !
Les beaux yeux de ma Gina (répète)
Sont profonds et bleus comme la mer,
Combien de mystères ils laissent rêver !
Elle me regarde le soir et le matin (répète) :
Je pense que, si la mer sait tromper,
De ces beaux yeux, tu ne peux te fier !
Et c'est dans la mer de ces beaux yeux
Qu'elle m'apporte l'amour,
Et c'est au fond de ces deux joyaux
Que j'y perds mon cœur !
Les cheveux de ma Gina (répète)
Sont longs et blonds comme des fils d'or ;
Ils ont la valeur du plus grand trésor
Elle les tresse le soir et le matin (répète)
Et les dispose si bien entre eux,
Que l'art ne ferait pas mieux !
Et c'est dans les nœuds de ses tresses blondes
Qu'elle m'apporte l'amour,
Et c'est dans ces nœuds qu'elle me cache
Qu'elle emprisonne mon cœur !
Gina était un prénom féminin souvent utilisé, mais il n'est que la modification phonétique de prénoms comme Regina, Giorgina, Luigina, Virginia, Eugenia... car il n'y a pas de « santa Gina », et on la fête le 17 octobre pour la sainte Luigia, dont on considère que c'est le diminutif. Il a été relancé par Gina Lollobrigida (1927- ).
Nina de Charny (1889-??), de son vrai nom Giovanna Cardinin, était une « sciantosa », figure des cafés-chantants et des théâtres de Variétés, avec lesquels travaillait beaucoup Armando Gill ; elle commence en 1906 au Théâtre Mercadante où elle a beaucoup de succès avec ses chansons napolitaines, mais elle s'arrête en 1913, et on n'a plus de nouvelles d'elle.
Une autre chanson de 1911 est intéressante ; Gill n'était pas un chanteur politique, mais un auteur satirique très habile. Il a écrit aussi en 1912 Dirimpetto al mio quartiere, une chanson qui est une négation de l'esprit militariste : un soldat en sentinelle n'a en réalité d'attention que pour sa belle Béatrice, dans une ignorance des choses de la guerre, une sorte de pacifisme naïf. Ici on est en pleine guerre de Libye : les Italiens reprennent l'offensive pour se constituer un empire colonial, et ils conquièrent les deux parties de la Libye, Tripolitaine et Cyrénaïque, possessions de l'empire ottoman qui se rapprochait alors de l'empire austro-hongrois, à une époque où l'Angleterre contrôlait déjà l'Égypte, la France la Tunisie, ne laissant disponible en Afrique du Nord que la Libye. Les plans d'invasion, préparés dès 1885, devaient racheter l'Italie de ses défaites en Abyssinie (Adoua 1896) ; on pensait aussi faciliter la solution des problèmes d'émigration. Tripoli fut occupée en octobre 1911, puis Benghasi, capitale de la Cyrénaïque. On crut la victoire assurée, sous-estimant les capacités de résistance des Jeunes Turcs au pouvoir depuis 1908, et la lutte fut dure dans les oasis jusqu'à l'annexion de 1912 ; confirmée par le Traité de Lausanne. Mais ce fut une déception, par rapport aux grandes espérances antérieures de l'Italie. Et Gill se moque un peu de tout cela dans sa lettre d'un soldat (Pasquale) à un ami, lui aussi militaire.
Le langage est inspiré du parler populaire d'alors, avec la création de jeu de mots comme le verbe « bengasiare », ou la référence à la peur par l'allusion au buste doré de San Gennaro à la cathédrale de Naples (avere la faccia gialla), ou la reprise d'un usage populaire de maturation des pommes que l'on enterrait dans des trous creusés dans la terre, qu'on recouvrait de sciure et de terre, et que des femmes venaient chaque jour retourner pour qu'elles mûrissent régulièrement (le mele annurche).
Pasquale va a Tripoli
(Testo e musica: Armando Gill, 1911)
Già tutto è pronto e all'ordine
lo zaino e la gavetta,
fucili, baionetta
la carne e il tascapan,
fate curaggio pensame si
no m"a fai verè cchiù nera a cosa,
io me ne vado
a Tripoli per i fratelli nostri
e il nostro onor,
fate curaggio e pensame
perché dei Turchi io torno
il vincitor! Rosina mia
Ma Rosina
noi abbiamo fatto un'avanzata,
noi stiamo avanzando,
noi avanzammo l'anima
de' danari avanzammo,
abbiamo fatto un avanzamento
con un movimento di accerchiamento
di coordinamento,
rapidamente, come il vento in un momento,
che i Turchi hanno avuto un imbiscottimento,
se ne sono scappati, siamo andati a Tripoli
e li abbiamo messi in trappola; a Bengasi
loro si credevano che stavano. bene di casa
ma noi abbiamo detto qua bengasiate voi,
bengasiamo 'anche noi, stevano i bengasiani
ma chelli nunn"o tenevano cchi·chillo territorio
Chill'e Turche ce credevano
senza curaggio e vile,
ca nuje nave nun ne tenevamo
né palle e né fucile,
mo invece se ne scappano
e fanno e facce gialle
e per dietro alluccano « all'anema d"e palle! »
Rusina mia nun chiagnere
nun me te fa verè accussi ’ncucciosa
fatte curaggio pensame
ca quanno torno io te farraggio sposa
io me ne vado a Tripoli
con la medaglia io tornerò al valor,
fatte curaggio e pensame
perché dei turchi io torno il vincitor!
(Traduction revue par la Professeure Giusy Aliperta)
Pascal va à Tripoli
Tout est déjà prêt et en ordre
le sac et la gamelle
fusil et baïonnette
la viande et la musette,
aie courage et pense à moi
autrement tu me fais voir les choses encore plus noires
Je m'en vais
à Tripoli pour nos frères
et pour notre honneur
Prends courage et pense à moi
parce que je reviendrai vainqueur
des Turcs! Ma Rosine
Nous avons fait une avancée,
nous sommes en train d'avancer
nous avons avancé en esprit
nous avons avancé de l'argent
nous avons fait un avancement
par un mouvement d'encerclement
de coordination
rapidement, comme le vent en un moment
où les Turcs ont eu un embiscottement,
ils se sont échappés, nous sommes allés à Tripoli
et nous leur avons tendu un piège; à Bengasi
ils croyaient être bien chez eux
mais nous avons dit: si vous êtes à Bengasi
nous sommes aussi à Bengasi, les bergasiens y étaient
mais le territoire ne leur appartenait plus
Ces Turcs nous croyaient
sans courage et lâches,
que nous n'avions aucun navire
ni balles et ni fusils
Au contraire maintenant ils se sont enfuis
et ils ont la face jaune de peur
et par derrière ils hurlent: « quelles belles balles (couilles) ils avaient ces canons »
Ma Rosine, ne pleure pas
ne te montre pas si inflexible
aie courage et pense à moi
car quand je reviendrai, je t'épouserai
Je m'en vais à Tripoli
Je reviendrai avec la médaille de la valeur
Aie courage et pense à moi
parce que des Turcs je reviendrai vainqueur!
Armando Gill produisit ensuite un second filon de belles chansons lyriques en langue napolitaine, comme celles-ci :
Bella, ca bella si
(testo e musica: Armando Gill, 1919)
Mme so' scetato a ll'alba stammatina
aggiu menato 'a rezza 'mmiez'ô mare.
A 'na fenesta steva Carulina
e mme guardava cu chill'uocchie chiare.
'Ncantato pe' guardá chella sirena
aggiu perduto a mare 'a rezza chiena.
Bella, ca bella sî,
chi te po' maje scurdá.
Si 'st'uocchie doce mme fanno murí,
so' pure 'a luce ca mme fa campá.
A cchiù 'e 'nu mese tengo, 'int'a stu core,
'nchiuvate ll'uocchie suoje turchine e doce.
E i' ca nun aggio maje saputo 'ammore
mo sto' perdenno 'a pace, 'o suonno e 'a voce.
E mme ne fa jettá lácreme amare,
pe' quanta stelle 'ncielo e 'a rena a mare.
Bella, ca bella sî...
Mm'ha ditto mamma: « Abbada, statte attiento
nun te ce 'ncaná, ch'è senza core.
Chell'è 'na vela, avota comm'ô viento.
Nce sta chiagnenno cchiù 'e 'nu piscatore ».
Ma senza ll'uocchie belle 'e Carulina,
i' che nce campo a fá pe' 'sta marina?
Belle, que tu es belle
Je me suis réveillé à l'aube ce matin
Et j'ai jeté mon filet dans la mer
À une fenêtre se tenait Caroline
Et elle me regardait avec ses yeux clairs
Fasciné à regarder cette sirène
J'ai perdu en mer tout le contenu de mon filet.
Belle, que tu es belle
Qui peut jamais t'oublier
Si tes yeux doux me font mourir
Ils sont aussi la lumière qui me fait vivre.
Depuis plus d'un mois, sont cloués dans mon cœur
tes yeux bleus et doux
Et moi qui n'ai jamais connu l'amour
J'en perds la paix, mon sommeil et ma voix.
Et cela me fait verser des larmes amères
De voir toutes les étoiles dans le ciel et le sable dans la mer.
Belle, que tu es belle...
Maman m'a dit: « Fais bien attention
Ne t'entête pas; car elle est sans cœur
C'est une voile qui tourne comme le vent
Elle a fait pleurer plus d'un pêcheur ».
Mais sans les beaux yeux de Caroline
Qu'ai-je à faire de vivre pour ce port?
On y retrouve les thèmes et les images de la poésie traditionnelle napolitaines, la présence de Caroline, qui apparaît comme séduisante mais source de malheur, thème qui deviendra dominant dans les œuvres de Gill postérieures aux années 1920.
VARCA D'AMMORE
(Testo e musica: Armando Gill, 1919)
I
Quanno la sera stévamo
vicino a 'sta marina,
quanno pe' me lucevano
chill'uocchie 'e Carulina...
Dint'a na varca a cònnola
nuje jévamo a sunná
'a vocca soja cchiù tènnera
sentevo 'e suspirá:
Voca luntano,
Rame loin
pòrtame ammore...
pòrtame 'mmiez'ô mare...
Damme 'sta mana,
pígliate 'o core...
quanto te voglio amá!
II
Li ccase s'addurmevano
vicino a 'sta banchina...
nuje ce alluntanávamo
p''o mare 'e Margellina.
si 'e bbracce meje, stancánnose,
lassavano 'e vucá...
'a voce soja, cchiù tènnera,
turnava a suspirá:
Voca luntano...
III
Li vvarchetèlle tornano
p''o mare senza viento
'e marenare cantano
sott'a na luna 'argiento...
sola e malata, st'anema,
dint'a na varca va...
penzanno a chella femmena
ca cchiù nun turnarrá!
Voca luntano...
Barque d'amour
Quand le soir nous étions
près du bord de la mer
quand brillaient pour moi
les yeux de Caroline...
Dans une barque en forme de gondole
nous étions en train de rêver
d'une voix toujours plus tendre
j'entendais soupirer
Rame loin,
apporte-moi l'amour
emporte-moi sur la mer...
Donne-moi ta main
prends mon cœur...
combien je veux t'aimer!
II
Les maisons s'endormaient
près de ce quai
et nous nous sommes éloignés
sur la mer de Mergellina.
Si mes bras, parce qu'ils se fatiguaient,
cessaient de ramer...
sa voix, plus tendrement,
recommençait à soupirer
Rame loin...
III
Les petites barques reviennent
de la mer sans vent
et les marins chantent
sous une lune d'argent...
Seule et malade, cette âme,
s'en va dans une barque...
en pensant à cette femme
qui ne reviendra pas!
Rame loin...
PALOMMA
(Testo e musica: Armando Gill, 1926)
I
Palomma te chiammava mamma toja,
Palomma e ne facive lacremelle...
« Chella nun sape 'a casa soja,
sempe cumpagne e cumpagnelle! »
E comm'a na palomma tu facive
Et tu faisais comme un papillon
e â scola e add''a maesta nun ce jive...
Ciento 'nnammuratielle appriesso a te
te nce 'ncappaje pur'io senza vulé...
Palomma, Palomma ca vole
cagnanno nu sciore pe' n'ato...
si truove quacche sciore avvelenato
fermisce 'e vulá!
II
Palomma e st'uocchie tuoje erano stelle,
nu manto 'e seta sti capille nire...
ma addó' passave cu sti scelle
erano lacreme e suspire...
anfin'a che, nu juorno, pe' destino,
te 'ncapricciaste cu nu signurino...
Ma cu nu signurino 'e chilli llá
ca penzano a fá diébbete e a ghiucá...
Palomma, Palomma ca vole...
III
E chillo ca giuraje ca te spusava,
na casa t'affittaje 'ncopp''e quartiere...
e po', truccata, te mannava
mmiezo Tuledo tutt''e ssere...
Aggiu saputo mo ca staje malata:
fort'è si 'a tire 'nnanze 'sta vernata...
E chillo ch'avri''a stá vicino a te,
sta nott'e ghiuorno 'int'a nu tabarè!...
Palomma che pena a stu core
penzanno a ll'ammore passato:
mo ch'hê truvato 'o sciore avvelenato,
nun puó' cchiù vulá!...
Papillon
Papillon t'appelle ta maman
Papillon et tu en pleurais un peu...
« Cette fille ne connaît pas sa maison
toujours des amis et de jeunes amies! »
Et comme un papillon tu faisais
et à l'école chez la maîtresse tu n'allais pas...
Une centaine d'amoureux te courtisaient
et j'y suis tombé moi aussi sans le vouloir...
Papillon, papillon toi qui voles
en passant d'une fleur à l'autre...
si tu trouves une fleur empoisonnée
Tu cesses de voler!
II
Papillon et tes yeux étaient des étoiles
un manteau de soie tes cheveux noirs...
mais où tu passais avec tes ailes
c'étaient des larmes et des soupirs.
jusqu'à ce qu'un jour, c'était ton destin,
tu te sois entichée d'un jeune homme...
Mais d'un jeune homme de ceux-là
qui ne pensent qu'à faire des dettes et à jouer...
Papillon, papillon, toi qui voles...
III
Et celui-ci qui a juré de t'épouser
t'a loué une maison dans ces quartiers...
et puis, maquillée, il t'envoyait
tous les soirs rue Toledo
J'ai su que tu es malade
ce sera beau si tu passes l'hiver...
Et celui-là qui devrait être près de toi,
reste jour et nuit dans un tabarin!
Papillon qui peines pour ce cœur
en pensant à l'amour passé:
maintenant que tu as trouvé la fleur empoisonnée,
tu ne peux plus voler!...
La rue Toledo est la rue principale de Naples, construite en 1536 par le Vice-roi espagnol Pedro Alvarez de Toledo; aujourd'hui piétonne, c'est la grande rue commerçante de la ville, bordée d'églises et de grands palais, mais Papillon y est envoyée par son amant pour pratiquer d'autres commerces.
C'est une des belles mélodies composées par Armando Gill, nous sommes déjà en 1926, et Gill a acquis maintenant assez de compétence musicale pour écrire ainsi des chansons qu'il faisait écouter par Maria, sa fidèle femme de chambre, pour s'assurer de leur qualité populaire.
Ce fut la chanson préférée d'un metteur en scène comme Massimo Troisi.
Le mot napolitain « palomma » vient d'un mot espagnol qui, au masculin, désignait le pigeon et devient en Italie le papillon.
E allora?
(Testo e musica: Armando Gill, 1926)
Nel tram di Posìllipo, al tempo dell’está,
un fatto graziosissimo, mi accadde un anno fa;
Il tram era pienissimo, ‘a miezo, ‘a dinto e ‘a fora,
quando, alla via Partènope, sagliette na signora!
E allora?…
Allora io dissi subito: « Signora, segga qua! »
Rispose lei: « Stia comodo, vedrá che ci si sta…
si stríngano, si stríngano, per me c’è posto ancora… »
E quasi ‘nzino, ‘ndránghete…s’accumudaje ‘a signora!
E allora?…
E allora, dietro all’angolo, mi strinsi ancora un po’…
lei rise e poi, guardandomi, le gambe accavalciò…
Io suspiraje vedennole tanta na gamba ‘a fora,
comme suspiraje Cesare pe ccosce da signora!
E allora?…
E allor dissi: « E’ di Napoli? » « No, mi sun de Milan! »
« Fa i bagni qua, certissimo! » « No, mi parto duman…
Vorrei vedere Frìsio, non visto mai finora… »
« Se vuole, io posso… » « Oh, grazie!… »
E s’ammuccaje ‘a signora!
E allora?…
E allora, po’, addunánnome ca dint
gente ce guardava, dissi: « Signó’, scendé’… »
E mme pigliaje nu taxi a vinte lire a ll’ora
e a Frìsio ce ne jèttemo, io sulo, cu ‘a signora!
E allora?…
E allora, senza scrupoli, mm’accummenciaje a lanzá…
ma lei, con fare ingenuo, mi disse: « Oh, ciò non sta…
Andiamo prima a Frìsio, mangiamo e, di buonor
io sto all’Hotel Vesuvio, lei mi accompagna…e allora… »
« E allora?…
E allora io feci subito « necessità virtù »…
Ma a Frìsio ce magnajemo duiciento lire e cchiù…
Turnanno, immaginateve, stevo cu ll’uocchie ‘a fore…
Finché all’Hotel Vesuvio, scennette cu ‘a signora…
E allora?…
Qui viene il graziosissimo ca, jenno pe’ trasí,
tutti presentávami: « Presento mi’ marí’!
Mm’avea pigliato proprio pe’ nu cafone ‘e fora…
E ghièttemo ‘inta cammera e s’assettaje ‘a signora!
E allora?…
E allora, mentre proprio ‘a stevo p’abbracciá,
vicino ‘a porta…Ttùcchete…sentette ‘e tuzzuliá…
« Chi sarrá maje ‘sta bestia? Si mandi alla malora! »
Nu cameriere in smoking, cu ‘o cunto da signora!…
E allora?…
E allora ce guardajemo, curiuse, tutt’e tre…
lei prese il conto: « E pagalo! Duemila ottantatre »
Cu 'na penzata 'e spirito dissi io: mo nun è ora!
E il cameriere pratico: « Pardon Signor...Signora! »
E allora?
E allora lei fa: « Sei stupido! » Qua stupido madà,
ciento lirette 'e taxi, duciento pe mangià
duemila e tante 'a cammera, e chesto che bonora,
ccà ce vò 'o banco 'e Napule, carissima Signora!
E allora?
E allora senza aggiungere manco na i 'e na a.
Pigliaje 'o cappiello e subbeto me ne scennette 'a llà
Truvaie ancora 'o taxi: chauffeur, Pensione Flora...
E ghiette a truvà Amelia...ca m'aspettava ancora...
E allora?
E allora io ebbi prova di una grande verità,
Ch'aa via vecchia p''a nova nunn s'adda maje cagnà!!
Et alors?
Dans le tram de Posillipo, pendant l'été
il m'est arrivé une histoire très gracieuse, il y a un an;
le tram était bondé, au milieu, dedans et dehors,
quand, rue Partenope, monta une dame!
Et alors?…
Alors je dis aussitôt: « Madame, asseyez-vous ici! »
Elle répondit: « Ne vous dérangez pas, vous verrez que ça ira.
Serrez-vous, serrez-vous, il y a encore de la place pour moi… »
Et presque sur mes genoux, la dame s'installa
Et alors?…
Et alors, dans le coin, je me suis serré encore plus
elle rit et puis, croisa les jambes en me regardant
Moi j'ai soupiré en voyant tant de jambe découverte
Comme soupira César pour les cuisses de la dame
Et alors?…
Et alors je dis: « Vous êtes de Naples? » « Non, je suis de Milan! »
« Vous êtes sûrement aux bains! » « Non, je pars demain
Je voudrais voir Frisio, pas encore vu... jusqu'à maintenant »
« Si vous voulez, je peux... » « Oh, merci!... »
Et la dame a mordu à l'hameçon!
Et alors?…
Et alors, m'apercevant que dans le tram
les gens nous regardaient, je dis: « Madame descendez »
et je pris un taxi à vingt lires de l'heure
et à Frisio nous sommes allés, moi tout seul avec la dame!
Et alors?…
Et alors sans scrupules, j'ai commencé à me lancer
mais elle d'une manière naïve, me dit: « Oh, ça va pas
Allons d'abord à Frisio, mangeons et de bonne heure
je suis à l'Hôtel Vesuvio, vous m'accompagnez et alors... »
« Et alors?…
Et alors je fis aussitôt « de nécessité vertu »…
Mais à Frisio, nous avons mangé pour plus de 200 lires
En revenant, imaginez, j'avais les yeux hors de la tête
Jusqu'à ce que je descende à l'Hôtel Vesuvio avec la dame…
Et alors?…
Là arrive le plus beau, en entrant
elle me présente à tout le monde: « Je vous présente mon mari!
Elle m'avait vraiment pris pour un mufle étranger
Nous sommes entrés dans la chambre, et la dame s'est assise!
Et alors?…
Et alors, juste quand j'allais l'embrasser,
près de la porte… Toc toc… j'entendis frapper
« Qui peut bien être cette bête? Qu'on l'envoie au diable! »
Un valet de chambre en smoking avec le compte de la dame!...
Et alors?…
Et alors nous nous sommes regardés avec curiosité tous les trois
elle prit le compte: « Eh paie-le! Deux mille quatre-vingt-trois »
Par un mot d'esprit, moi je dis: ce n'est pas le moment!
Et le valet de chambre pratique: « Pardon, Monsieur...Madame! »
Et alors?
Et alors elle fait: « Tu es stupide! » « Comment stupide, Madame
cent lires de taxi, deux cents pour manger
deux mille et quelques autres pour la chambre, et rien que pour commencer
Il y faut la Banque de Naples, très chère Madame!
Et alors?
Et alors sans ajouter ni « i » ni « a »
Je pris mon chapeau et aussitôt je descendis de là
J'ai retrouvé le taxi: Chauffeur, Pension Flora...
Et je suis allé trouver Amélie, elle m'attendait encore...
Et alors?
Et alors j'eus la preuve d'une grande vérité,
Qu'on ne doit jamais changer le vieux pour le nouveau!!
Frisio est un rocher près de Posillipo et du Palais Donna Anna, où fut installé au XIXe siècle un restaurant de luxe. La chanson raconte une histoire, c'est une « macchietta » comme les napolitains aimaient en faire à cette époque dans les cafés-chantants; c'était la représentation souvent caricaturale d'un personnage, un « type » social (la femme entretenue, le danseur, le prêtre, le tombeur de femmes, le percepteur, le « scugnizzo »...) qui devait faire rire, mais atteignait souvent aussi le niveau de la satire sociale. Ici c'est un homme qui pense séduire une femme dans un tramway, et qui s'aperçoit trop tard que ce n'est qu'une cocotte qui lui soutire son fric.
Ce fut le « tormentone » de plusieurs saisons, la chanson qui a le plus grand succès pour la facilité de son texte et pour sa mélodie facile à écouter et à répéter, et le public ici reprenait facilement le « E allora? » du refrain.
La période de plus grande popularité d'Armando Gill se situe entre 1916 et 1925: il a enfin acquis une compétence musicale et compose désormais totalement ses chansons; il fonde une compagnie théâtrale et met en scène plusieurs revues avec Guido di Napoli; elles sont soit en napolitain soit en italien, pour être aussi écoutées en Italie du Nord où le napolitain n'était qu'une langue étrangère.
Sa plus grande chanson est de 1918, Come pioveva, elle a été souvent reprise, au cinéma comme titre du film d'Ettore Scola en 1974, soit par des chanteurs, depuis Achille Togliani (1924-1995) et Luciano Tajoli (1920-1996) jusqu'à Mario Musella (1945-1979), l'ancien chanteur des Showmen, ou par les Beans en version pop. Elle est écrite dans une langue simple de conversation quotidienne, dépouillée de tout archaïsme de la langue littéraire du XIXe siècle, et pourtant poétique rimée avec art dans des quatrains ABAB. Trois seules strophes sont rimées AABB, la quatrième, la huitième et la dernière où ils repensent au passé heureux dans leur petite chambre. C'est un genre alors nouveau, une chanson-récit faite de dialogues entre les deux protagonistes. C'est un petit film dans lequel les deux anciens amants se retrouvent par hasard des années plus tard sous un portail où ils se protègent de la pluie, puis dans une voiture qui passe à ce moment, enfin devant un autre portail où ils se quittent pour toujours avec une larme de mélancolie au coin de l’œil. Et tout cela repose sur un mystère: pourquoi se sont-ils quittés s'ils s'aimaient tant? C'est un texte très émouvant et qui continue à nous émouvoir, une chanson parfaitement réussie.
Come pioveva
(Testo e musica: Armando Gill, 1918)
C’eravamo tanto amati
per un anno e forse più....
C’eravamo poi lasciati....
Non ricordo come fu....
Ma una sera c’incontrammo.
Per fatal combinazion.
Perchè insieme riparammo,
Per la pioggia, in un porton!
Elegante nel suo velo,
Con un bianco cappellin,
Dolci gli occhi suoi di cielo,
Sempre mesto il suo visin...
Ed io pensavo ad un sogno lontano:
A una stanzetta d’un ultimo piano,
Quando d’inverno al mio cor si stringeva
Come pioveva... come pioveva!...
« Come stai? » le chiesi a un tratto
« Bene, grazie - disse - e tu? »
« Non c’è male... » E poi distratto:
« Guarda che acque viene giù »
« Che m’importa se mi bagno?
Tanto a casa debbo andar ».
« Ho l’ombrello, t’accompagno »
« Grazie! Non ti disturbar... »
Passa in tempo una vettura
Io la chiamo, lei fa: « no »
« Dico: oh! via, senza paura,
Su montiamo », e lei montò...
Così pian piano, io le presi la mano
Mentre il pensiero vagava lontano...
Quando d’inverno al mio cor si stringeva
Come pioveva... come pioveva!...
Ma il ricordo del passato
Fu per lei il più gran dolor,
Perchè al mondo aveva dato
La bellezza ed il candor...
Così, quando al suo portone
Un sorriso mi abbozzò,
Nei begli occhi di passione
Una lacrima spuntò!...
Io non l’ho più riveduta...
Se è felice? Chi lo sa!...
Ma se ricca, o se perduta,
Ella ognor rimpiangerà...
Quando una sera in un sogno lontano,
Nella vettura io le presi la mano!
Quando salvare ella ancor si poteva!...
Come pioveva... così piangeva!...
Comme il pleuvait
Nous nous étions tant aimés
pendant un an, peut-être plus...
Puis nous nous étions quittés.
Je ne me souviens plus comment.
Mais un soir nous nous rencontrâmes,
Par un hasard fatal.
Parce qu’ensemble nous nous réfugiâmes
Pour la pluie, sous un portail!
Élégant sous son voile,
Avec un petit chapeau blanc,
Doux étaient ses yeux de ciel,
Toujours triste son petit visage...
Et moi je pensais à un rêve lointain:
À une petite chambre d’un dernier étage,
Quand en hiver elle se serrait contre mon cœur
Comme il pleuvait... comme il pleuvait!...
« Comment vas-tu? » lui demandai-je tout à coup
« Bien, merci... » dit-elle « et toi? »
« Pas mal... » Et puis distrait:
« Regarde ce qu’il tombe comme eau »
« Peu importe si je me mouille!
De toute façon je dois aller à la maison ».
« J’ai un parapluie, je t’accompagne »
« Merci! Ne te dérange pas... »
Au bon moment passe alors une voiture
Je l’appelle, elle fait: « Non »
« Je dis: oh! allons, n’aie pas peur
Allez, montons », et elle monta...
Ainsi tout doucement, je lui pris la main
Tandis que ma pensée errait loin...
Quand en hiver elle se serrait contre mon cœur
Comme il pleuvait... comme il pleuvait!...
Mais le souvenir du passé
Fut pour elle la plus grande douleur,
Parce qu’au monde elle avait donné
Sa beauté et sa candeur...
Ainsi, quand à son portail
Elle ébaucha pour moi un sourire,
Dans ses beaux yeux pleins de passion
Une larme pointa!...
Je ne l’ai plus revue...
Est-elle heureuse? Qui le sait!...
Mais qu’elle soit riche, ou bien perdue,
Elle regrettera toujours...
Quand un soir dans un rêve lointain,
Dans la voiture, je lui pris la main!
Quand elle pouvait encore se sauver!...
Comme il pleuvait... comme elle pleurait!...
Un autre récit du même type est de 1929, Follie di gioventù, il est plus sensuel, évoquant la séduction de toutes les parties du corps de la jeune femme; il décrit le bruit que fait chaque objet ou chaque partie physique par un tac-tac, tec-tec, tic-tic, toc-toc, tuc-tuc. Le bouton de son corsage qui tombe, trop vite arraché, fait tic... et finalement le chauffeur arrête la course et l'amour des deux protagonistes. Regrets d'une jeunesse amoureuse folle!
Follie di gioventù
(Testo e musica: Armando Gill, 1929)
Verso l'ora vespertina,
per il vicolo Tre Re,
una bella signorina
camminava innanzi a me...
Ammirando il dondolio
del grazioso corpicin,
ascoltavo il tintinnio
di parecchi suoi oggettin.
La sua borsetta faceva tac, tac
I ciondolini tec, tec, tec, tec,
I tacchettini tic, tic, tic,
Le anche e il seno toc, toc, toc,
Mentre il mio cuore, che batteva di più,
faceva tuc, tuc, tuc, tuc, tuc, tù.
M'accostai, mi presentai:
- Prego! Armando. E lei? - Flery
Fu così che la invitai
A montare in un taxì.
Ce ne andammo per via Tasso
per godere in libertà.
senza impicci nè fracasso,
la poesia della città.
Facea il motore tac, tac, tac, tac,
Facea la tromba tec, tec, tec, tec,
Faceano i vetri tic, tic, tic, tic
Faceva il clacson toc, toc, toc, toc, toc,
Mentre i cuscini dell'auto blutandi
facean tuc, tuc, tuc, tuc, tuc, tù.
Con la sere che discese
già il morale stava su
La compresi, mi comprese,
te dal voi passammo al tu!
Lo chaffeur, intelligente,
la sua corsa rallentò..
E così..naturalmente,
quel che accadde or vi dirò!...
Smorzai la luce che fece tac,
Si ruppe un vetro, che fece tec, tec,
Scappò un botton, che fece tic,
mentre che i baci facean toc, toc.
Finché l'autista non resse più:
picchiòsui vetri...tuc, tuc, tuc, tù
Folies de jeunesse
Vers l'heure du soir
par la ruelle des Trois Rois,
une belle jeune fille
marchait devant moi...
En admirant le balancement
de son gracieux petit corps,
j'écoutais le tintement
de plusieurs de ses petits objets.
Son petit sac faisait tac tac
Ses petites breloques tec, tec, tec, tec,
Ses petits talons tic, tic, tic,
Ses hanches et son sein toc, toc, toc,
Tandis que mon cœur, qui battait plus fort,
faisait tuc, tuc, tuc, tuc, tuc, tù.
Je m'approchai, je me présentai:
- S'il vous plaît! Armand. Et vous? - Fléry
Ce fut ainsi que je l'invitai
À monter dans un taxi.
Nous nous en allâmes rue du Tasse
pour jouir en liberté,
sans empêchements ni fracas,
la poésie de la ville.
Le moteur faisait tac, tac, tac, tac,
L'avertisseur tec, tec, tec, tec,
Les vitres faisaient tic, tic, tic, tic
Le clacson faisait toc, toc, toc, toc, toc,
Tandis que les coussins de la voiture bleue
faisaient tuc, tuc, tuc, tuc, tuc, tù.
Avec le soir qui était descendu
déjà le moral remontait
Je la compris, elle me comprit,
et du “vous” nous sommes passés au ”tu”!
Le chauffeur, intelligemment
a ralenti sa course...
Et ainsi... naturellement,
je vais vous dire ce qui est arrivé!
J'ai baissé la lumière qui a fait tac,
Une vitre s'est cassée en faisant tec, tec,
Un bouton est parti qui a fait tic,
tandis que nos baisers faisaient toc, toc.
Jusqu'à ce que le chauffeur n'y tienne plus:
il tapa sur les vitres... tuc, tuc, tuc, tù
Mais c'est aussi l'époque d'une des plus belles chansons d'Armando Gill, en napolitain, Zampognaro 'Nnamurato, de 1924. Elle est historiquement très intéressante: d'abord elle se réfère à la chanson d'Enrico Di Leva (1867-1955) et Salvatore Di Giacomo (1860-1934) de 1887, A Nuvena, très connue à Naples, qu'il faut écouter sur Youtube par Sergio Bruni, avec le texte:
'A Nuvena
(Testo: Salvatore Di Giacomo, Musica: Enrico De Leva, 1887)
'Nu zampugnaro 'e 'nu paese 'e fora,
lassaje quasi 'nfiglianza la mugliera.
Se partette pe' Napule 'e bon' orail
partette pe' Napule 'e bon' ora
unanno, allero allero: ullèro, ullèro.
E ullèro, ullèro.
Ma nun era overo:
'o zampugnaro,
penzava â mugliera
e suspirava
e 'a zampogna, 'e suspire s'abbuffava
Cuccato 'ncopp' 'a paglia, 'o Bammeniello,
senza manco 'a miseria 'e 'na cuperta,
durmeva, 'mmiez'â vacca e ô ciucciariello,
cu ll'uocchie 'nchiuse e cu 'a vucchella aperta.
E ullèro, ullèro
che bella faccella,
che bella resélla,
faceva Giesù
quanno 'a Madonna
cantava: « Core mio, fa' nonna nonna ».
Mmerz' 'e vintuno, 'e vintiduje d' 'o mese,
'na lettera lle dettero â lucanna.
'Sta lettera veneva da 'o pagghiese
e sotto era firmata: Marianna.
« E ullèro, ullèro.
Sto bene in salute
ma sentire di te:
sono sgravata
duje figlie aggio fatto, una figliata ».
Tu scendi dalle stelle, o Re del cielo,
e nuje pigliammo 'e guaje cchiù allere
Tasse, case cadute, freddo e gelo,
figlie a zeffunno, e pure nun fa niente.
Ullèro, ullèro.
Sunate e cantate.
Sparate, sparate
ch'è nato Giesù!
Giesù Bambino.
E 'a Vergine Maria s' 'o tene 'nzino.
La Neuvaine
Un joueur de musette d'un village de l'extérieur
Laissa sa femme juste sur le point d'accoucher,
Il partit pour Naples de bonne heure
En jouant tout joyeux: ullèro, ullèro.
Et ullèro, ullèro.
Mais ce n'était pas vrai:
le joueur de musette
pensait à sa femme
et il soupira
et sa cornemuse se gonflait de soupirs
Couché sur la paille, le Petit Enfant
sans même un chiffon pour couverture,
dormait, entre le bœuf et l'âne,
les yeux fermés et la bouche ouverte.
Et ullèro, ullèro
quel beau petit visage,
quel beau petit sourire
faisait Jésus
quand la Madone
chantait: « Mon cœur, fais dodo ».
Vers le vingt-et-un, vingt-deux du mois
À l'auberge on lui donna une lettre
Cette lettre arrivait de son village
et en-bas elle était signée: Marianne.
« Et ullèro, ullèro.
Ma santé va bien
mais avoir de tes nouvelles:
j'ai accouché
deux fils j'ai eu, une belle filiation ».
Tu descends des étoiles, o Roi du Ciel,
et nous acceptons plus allègrement nos malheurs
Impôts, maisons tombées, froid et gel,
Des enfants en abondance, cela ne fait rien.
Ullèro, ullèro.
Jouez et chantez
Réjouissez-vous, réjouissez-vous
Car Jésus est né!
L'Enfant Jésus
Et la Vierge Marie le tient sur ses genoux.
Zampognaro 'Nnamurato
(Testo e musica: Armando Gill, 1924)
Nu bellu figliulillo zampugnaro
che a Napule nun c'era stato ancora
comme chiagneva, 'nnante a lu pagliaro
quanno lassaje la 'nnamirata fora...
e a mezzanotte, 'ncopp 'a nu traìno
pe' Napule partette da Avellino...
Ullère Ullèro...
Buono e sincero....
Da lu paese, a Napule arrevato,
nce commenava comm'a nu stunato...
E succedette ca, na bella sera
jette a sunà a casa 'e una signora:
tappéte, luce, pavimento a cera...
ricchezze maje nun viste anfin'allora!
Ma se 'ncantaje, cchiù assaje de sti ricchezze
e l'uocchie d'a signora e de lo trezze..
Ullèreo-Ullèro
fuje nu mistero:
quanno jette pe' vasà à signora 'e mmane;
« Zitto, – sentette 'e dì – vien dimane! »
Cielo, e comme fuje doce 'sta nuvena
ca ll'attaccaje cu 'ata passione!
E se scurdaje 'e ll'ammore 'e Filumena
ch'era fatecatora e bona bona...
Ma l'urdema jurnata ca turnaje,
chella signora, a casa, 'un ce 'a truvaje.
Ullère – Ullèro
sturduto avero,
avette ciento lire e 'sta 'mmasccciata:
« Scurdatevella, chella è mmaretata... »
Na casarella 'mmiez'a li mmuntagna,
nu fucularo cu nu cippo 'e pigne...
'À neve scioccca e na figliola chiagne:
Chisà stu lietto 'e sposa 'incigna
P' 'a strada sulitaria d'Avellino
nun sta passanno manco nu traìno.
Ullèro – Ullèro
« Cagna penziero! »
Sta sotto a nu barcone appuntunato
Povero zampugnaro 'nnamurato!...
Le joueur de musette amoureux
Un beau jeune homme joueur de musette
qui n'était pas encore allé à Naples,
comme il pleurait, devant la cabane de paille,
quand il laissa seule sa fiancée...
et à minuit, sur une charrette,
il partit d'Avellino pour Naples...
Ullèro Ullèro...
Bon et sincère....
Arrivé à Naples depuis son pays
il y marchait tout désorienté...
Et il arriva qu'un beau soir
il alla jouer chez une dame:
tapis, lumière, planchers cirés...
richesses jamais vues jusqu'alors!
Mais plus que de toutes les richesses, il fut charmé
et les yeux de la dame et par ses tresses...
Ullèreo-Ullèro
ce fut un mystère
quand il fut sur le point d'embrasser la main de la dame;
« Chut, – entendit-il dire – viens demain! »
Ciel, comme fut douce la neuvaine
qui l'attacha avec tant de passion!
Et il oublia son amour pour Philomène
qui était une grande travailleuse et très belle...
Mais le dernier jour où il revint,
cette dame, à la maison, il ne trouva plus.
Ullère – Ullèro
tout décontenancé,
il trouva cent lires et ce message:
« Oubliez-la, elle est mariée... »
Une petite cabane au milieu des montagnes,
un foyer avec une bûche de pin...
La neige tombe et une fille pleure:
Qui sait si on se servira de ce beau lit nuptial
Sur la route solitaire d'Avellino
ne passe même pas une charrette.
Ullèro – Ullèro
« Change d'idée! »
Il se trouve sous son balcon, immobile
Le pauvre joueur de musette amoureux!...
La comparaison est révélatrice: Di Giacomo compose une chanson religieuse pour la « neuvaine », fête traditionnelle en Campanie, où les joueurs de cornemuse (la « zampogna ») et de « ciaramella » (le fifre) arrivaient début décembre des villages de campagne pour jouer dans les rues de Naples ou dans les palais des riches bourgeois ou aristocrates, ils restaient depuis la fête de l'Immaculée Conception (8 décembre) jusqu'au 22 décembre. Di Giacomo ne précise pas de lieu tandis qu'Armando Gill parle d'« Avellino », non pas dans le sens de cette ville, mais comme au XVIIIe siècle pour désigner un lieu de montagne et de pâturage des Abruzzes ou du Nord des Pouilles, où l'on jouait traditionnellement d'une cornemuse différente de celle de Venise ou de Rome.
Chez Di Giacomo, le zampognaro est un bon père de famille dont la femme vient d'accoucher de deux enfants, et qui s'en réjouit en comparant cette naissance à celle de l'enfant Jésus qu'il vient fêter à Naples chaque année. Chez Gill, c'est un beau jeune homme qui sort de son village pour la première fois et n'est jamais allé à Naples; en partant il pleure de quitter sa fiancée, belle et vierge, puisque le lit de noces de leur cabane n'a jamais été utilisé. La pratique du lit nuptial était importante dans le peuple de Campanie, on le préparait à l'avance pour la célébration de la nuit de noces. Le jeune homme part pour gagner de l'argent et se construire une maison plus confortable.
« Ullèro, ullèro » qui commence chaque strophe évoque le son de la cornemuse que joue le jeune homme, ébloui de découvrir la grande ville, lui qui sortait de ses montagnes sauvages. Invité dans un palais, richement décoré comme ceux que Gill connaissait bien depuis sa jeunesse bourgeoise, il va partir en faisant le baise-main traditionnel à la dame, séduit par la beauté de cette noble maîtresse de maison, mais celle-ci l'invite à revenir le lendemain, et ils passent ensemble une neuvaine amoureuse passionnée.
Mais le dernier jour, elle n'est plus là, et ne lui laisse que 100 lires et un billet où elle le congédie en lui disant qu'elle est mariée, comportement brutal de la noblesse de naissance et d'argent ou de la grande bourgeoisie dévergondée, à l'égard d'un « pezzente » (un misérable va-nu-pieds), comportement de classe que Gill dénonce, lui qui savait si bien parler de la vie des gens du peuple napolitain.
La quatrième strophe est une belle élégie de ce jeune homme déçu qui revient triste et solitaire dans sa montagne où l'attend sa belle fiancée, Philomène, autre sainte et martyre de l'empereur Dioclétien qu'elle refuse d'épouser parce qu'elle a consacré sa virginité à Jésus, elle devient patronne de Naples et le reste bien que le Concile Vatican II ait retiré son nom du calendrier liturgique en 1961, sa tombe ne pouvant pas être de l'époque de Dioclétien mais d'Auguste, et le nom latin n'étant pas « Filumena » mais « Fi … lumena », dédicace à la « fi'glia » bien aimée, pour sa lumière.
Notez la métrique de la chanson: 4 strophes composées chacune de 6 hendécasyllabes ABABCC et d'un quatrain de 2 pentasyllabes (AA) et deux hendécasyllabes (BB). C'est un travail poétique rigoureux, Armando Gill est un grand poète et on pourrait simplement réciter ses textes à plusieurs voix comme si c'était un fragment de tragédie grecque ou la ballade d'un trouvère médiéval.

Gill tendre critique de la « perversité » féminine
Écoutons pour finir 4 dernières chansons et nous aurons une idée plus précise de ce grand auteur-compositeur-interprète que fut Armando Gill. Un de ses derniers filons insiste sur la vision de la femme séductrice perverse, déjà présente antérieurement. Cela correspondait tout à fait à l'idée fasciste de la femme. Armando Gill avait d'ailleurs rejoint le régime fasciste, même s'il n'en fut pas militant actif. Il écrivit même une chanson raciste en faveur de la guerre d'Éthiopie en 1936.
Donne e amore
(Testo e musica: Armando Gill, 1920)
Tutti sanno che la donna
è maestra nell'amore
e che tira più una gonna
che una macchina a vapore.
Basta un bacio, una carezza,
Basta un rìcciolo toccar
che nel cor hai quell' ebbrezza
che sa l'uomo abbindolar.
Donne o bionde o rosse o nere
sono tutte d'un color,
sono facili a cadere
per capriccio o per amor.
La sartina che adoravo
era un fiore, era un tesor,
e ogni sera io l'aspettavo
all'uscita del lavor;
ma una sera anticipai,
della villa in un vial,
a braccetto la trovai
d'un furiere e un caporal!
La Marchesa Dellipiani
ch'era matta per suonar,
spesso un pezzo a quattro mani
Lei voleva con me provar.
Ma invitaca anche un pittore
e un maestro oltre di me,
e a distanza di poche ore
strapazzava a tutt'e tre.
Per amor del fidanzato
che andò fuori e non tornò
Lina prese il sublimato
e morir per lui giurò.
Ma un dottore assai valente
con premura la curò,
sicché lei, riconoscente,
col dottor se ne scappò!
L'incontrai, m'innamorai,
ed avemmo un tête à tête
Stava a un Bar, la ritirai
e lei visse insieme a me.
Casa, lussi senza freno,
mode, ninnoli et bijou,
una sera piglia un treno
e non l'aggio vista più...
Les femmes et l'amour
Tout le monde sait que c'est la femme
qui nous enseigne l'amour
et qu'une jupe tire plus
qu'une machine à vapeur.
Il suffit d'un baiser, d'une caresse,
Il suffit de toucher une boucle
pour avoir dans le cœur cette ivresse
qui sait embobiner les hommes.
Femmes blondes, rousses ou brunes,
elles sont toutes de la même couleur,
elles tombent facilement
par caprice ou par amour.
La petite couturière que j'adorais
était une fleur, un trésor,
et tous les soirs je l'attendais
à la sortie du travail;
mais un soir, je suis arrivé en avance,
dans un boulevard de la villa,
je l'ai trouvée bras dessus dessous
d'un fourrier et un caporal!
La Marquise Dellipiani
qui était folle de musique,
souvent un morceau à quatre mains
Elle voulait essayer avec moi.
Mais elle invitait aussi un peintre
et un chef d'orchestre en plus de moi,
et en quelques heures,
elle nous maltraitait tous les trois.
Par amour de son fiancé
qui sortit et ne revint pas,
Lina prit un sublimé
et jura de mourir pour lui.
Mais un médecin très habile
la soigna avec attention,
si bien qu'elle, reconnaissante,
s'échappa avec le docteur!
Je l'ai rencontrée, je suis tombé amoureux,
et nous eûmes un tête à tête
Elle était dans un Bar, je l'en ai retirée
et elle a vécu avec moi.
Maison, luxe sans frein,
modes, bibelots et bijou,
un soir elle prend un train
et je ne l'ai plus revue...
Il solletico
(Testo e musica: Armando Gill, Anni Venti)
Sono un giovane grazioso
con le donne spiritoso
son galante, sono affabile, amoroso.
Ma... ci ho un debole curioso
che non so tenere ascoso:
soffro tanto di solletico nervoso;
Questo piccolo difetto
dà alle donne un gran diletto:
che mi voglion far sempre uno scherzetto,
e mi sfioran p i capelli
con le piume, coi fuscelli
che talvolta mi tocca di esclamar:
Signorina,
per favore, non mi tocchi, lascia andar!
Lasci stare,
per favore che mi fa solleticar!
Il mio amore è Gelsomina
una bimba birichina
tanto bella quanto affabile e carina.
Da lei vado ogni mattina
me la piccola assassina
mi fa scherzi come fossi una bambina,
ed io provo un senso strano
se mi sfiora con la mano
sotto il mento/... sotto il collo piano piano
se mi tocca una giuntura
salto, scatto addirittura
non posso fare a meno di esclamar:
Gelsomina
Gelsomina per il bene che ti voglio
te ne prego,
te ne prego, non scherzar col portafoglio!
Io non so cosa sia
se d'amore è bramosia,
o se pur fosse contagio o frenesia,
certo è che la bella mia,
stando meco in compagnia,
sta soffrendo la mia stessa malattia
se le sfioro un poco un braccio,
le scarpino se le allaccio,
freme tutta nel momento che io lo faccio!
se le aggancio un po' il vestito
e v'appoggio solo un dito
io la sento mille volte esclamar:
Amo moi
non toccare quel vestito, lascia andar
ne touche pas ce vêtement, laisse tomber
non toccar
se mi tocchi tu mi fai soletica!
La chatouille
Je suis un jeune homme gracieux
spirituel avec les femmes,
je suis galant, je suis aimable, amoureux.
Mais... j'ai un faible curieux
que je ne sais pas tenir caché:
je souffre vraiment d'une sensibilité nerveuse à la chatouille.
Ce petit défaut
donne aux femmes un grand plaisir:
elles veulent toujours me faire une petite plaisanterie,
et elles m'effleurent les cheveux
avec leurs plumes, avec des brindilles
si bien que quelquefois il m'arrive de m'exclamer:
Mademoiselle,
s'il vous plaît, ne me touchez pas, laissez tomber!
Arrêtez,
s'il vous plaît, vous me chatouillez!
Mon amour est Jasmine
une gamine polissonne
aussi belle qu'aimable et mignonne.
Je vais chez elle tous les matins
et la petite assassine
me fait des farces comme si j'étais une petite fille,
et moi j'éprouve un sentiment étrange
si elle m'effleure avec la main
sous le menton... sous le cou tout doucement
si elle me touche une jointure
je saute, je bondis littéralement
je ne peux me passer de m'exclamer:
Jasmine
Jasmine, pour l'amour que je te porte
je t'en prie,
je t'en prie, ne plaisante pas avec mon portefeuille!
Je ne sais pas ce que c'est
si c'est un grand désir d'amour,
ou si c'était contagion ou frénésie,
il est sûr que ma belle,
en se trouvant avec moi en compagnie,
souffre de la même maladie que moi
si je lui effleure à peine un bras,
si je lui lace ses petits souliers,
elle frémit au moment même où je le fais!
si j'agrafe un peu son vêtement,
et j'y pose rien qu'un doigt
je l'entends s'exclamer mille fois:
Mon amour
ne touche pas ce vêtement, laisse tomber
ne touche pas
si tu me touches, tu me chatouilles!
Lui, lei e gli altri sei
(Testo e musica: Armando Gill, 1927)
Com'era bella lei
con quegli occhioni bei...
comm'era brutto lui,
con quegli occhioni bui.
Lei d'anni ventisei
lui di sessantadui...
Lei senza niente sghei
lui coi milioni sui...
Lei d'anni ventisei
lui di sessantadui...
E sospirava lei
E sospirava lui...
Lui per avere lei
lei per fare scemo a lui...
Perciò, ragion per cui,
lui un giorno disse a lei:
« Sposare io vi vorrei »
e lei rispose a lui:
« Vada a parlare coi miei »
Sulla onestà di lei
c'eran parecchi nei...
perché gli amplessi sui
lei dava a più di dui,
ma i genitori di lei
non erano babbei...
mangiavano per cui
appena venne lui,
chiamaron quei sei
amici e cicisbei
« Ohé, ora che viene lui
ognuno pei fatti sui, eh? »
e presentaron lei
qual Pia dei Tolomei.
Perciò, ragion per cui
lui si sposò con lei
il giorno ventisei.
Lui in dono ebbe da lei
due corni di cammei
lei in dono ebbe da lui
due milioni sui...
ma dopo i giorni bei
vennero i giorni bui...
e un dì verso le sei
mentre rientrava lui,
trovò, dir non potrei,
che testimon non fui,
ma, uno dei cicisbei
che rimpiazzava lui...
perciò, ragio per cui,
lui divorziò con lei
lei divorziò con lui...
lui si portò i cammei
lei i milioni sui!
Lui, elle et les six autres
Comme elle était belle, elle,
avec ses grands beaux yeux...
comme il était laid, lui,
avec ses gros yeux sombres.
Elle qui avait 26 ans
lui en avait 62...
Elle sans argent du tout
lui avec ses millions...
Elle qui avait 26 ans
lui en avait 62...
Et elle soupira
Et lui il soupirait...
Lui pour l'avoir elle
Elle pour le rendre idiot...
C'est la raison pour laquelle,
lui un jour dit à elle:
« Je voudrais vous épouser »
et elle, elle lui répondit:
« Allez parler avec ma famille »
Sur son honnêteté à elle
il y avait plusieurs points noirs....
parce que ses étreintes
elle les donnait à plus de deux,
mais ses parents à elle
n'étaient pas des nigauds...
ils mangeaient, ce pourquoi
à peine il arriva,
ils appelèrent les six
amis et sigisbées
« Ohé, maintenant que le voilà, lui,
chacun pour soi, eh? »
et ils la présentèrent, elle,
telle Pia dei Tolomei.
C'est la raison pour laquelle
lui se maria avec elle
le 26 du mois.
Lui reçut en cadeau d'elle
deux cornes de camées
elle eut de lui en don
deux de ses millions...
mais après les beaux jours
vinrent les jours sombres...
et un jour vers six heures
tandis que lui rentrait
il trouva, je ne pourrais dire,
car je n'en fus pas témoin,
mais, un des sigisbées
qui le remplaçait lui...
c'est la raison pour laquelle
lui divorça avec elle
elle divorça avec lui...
lui emporta les camées
elle ses millions!
STORNELLI NERI
(Testo: Armando Gill, Musica: Nino Casiroli, 1935)
Se prenderemo il Negus
gliene farem di belle
Se prenderemo il Negus
gliene farem di belle
Se lui farà il testardo
noi gli farem la pelle!
Dai dai dai
l'abissino vincerai!
Ha molte terre incolte
che non sa far fruttare
Ha molte terre incolte
che non sa far fruttare!
E noi sarem capaci
di andarle a conquistare
Dai dai dai
l'Abissino vincerai!
Se l'Abissino è nero
gli cambierem colore
Se l'Abissino è nero
gli cambierem colore!
A colpi di legnate
poi gli verrà il pallore
Dai dai dai
l'Abissino vincerai!
La flemma a quel paese
si è alquanto un po’ cambiata
La flemma a quel paese
si è alquanto un po’ cambiata!
Se prende le difese
la mandiamo in ritirata
Dai dai dai
l'Abissino vincerai!
Il general De Bono
ci ha detto in confidenza
Il general De Bono
ci ha detto in confidenza
Se prenderemo il Negus
ci manderà in licenza
Dai dai dai
l'Abissino vincerai!
Ho fatto una promessa
stasera al mio tenente
Ho fatto una promessa
stasera al mio tenente
Di fare il valoroso
se vado giù in Oriente
Dai dai dai
l'Abissino vincerai!
Se il Negus non risponde
se all'armi fa l'appello
Se il Negus non risponde
se all'armi fa l'appello
Noi gli farem gustare
l'antico manganello
Dai dai dai
l'Abissino vincerai!
C'è una nazione grande
che ha molti quattrini
C'è una nazione grande
che ha molti quattrini
Noi in compenso a Roma
abbiamo Mussolini
Dai dai dai
l'Abissino vincerai!
Couplets Noirs
Si nous prenons le Négus
nous lui en ferons de belles
Si nous prenons le Négus
nous lui en ferons de belles
Si lui se montre têtu
nous lui ferons la peau!
Allez, allez, allez
tu vaincras l'abyssin!
Il a de nombreuses terres incultes
qu'il ne sait pas faire fructifier
Il a de nombreuses terres incultes
qu'il ne sait pas faire fructifier!
Et nous, nous serons capables
d'aller les conquérir
Allez, allez, allez
l'abyssin tu vaincras!
Si l'abyssin est noir
nous le changerons de couleur
Si l'abyssin est noir
nous le changerons de couleur!
À force de coups de bâton
la pâleur lui viendra
Allez, allez, allez
l'abyssin tu vaincras!
Le flegme dans ce pays
a un peu changé
Le flegme dans ce pays
a un peu changé!
S'il prend sa défense
nous l'envoyons à la retraite
Allez, allez, allez
l'abyssin tu vaincras!
Le général De Bono
nous dit en confidence
Le général De Bono
nous a dit en confidence
Si nous prenons le Négus
il nous enverra en permission.
Allez, allez, allez
l'abyssin tu vaincras!
J'ai fait une promesse
ce soir à mon lieutenant
J'ai fait une promesse
ce soir à mon lieutenant
D'être valeureux
si je descends en orient
Allez, allez, allez
l'abyssin tu vaincras!
Si le Négus ne répond pas
s'il fait appel aux armes
Si le Négus ne répond pas
s'il fait appel aux armes
Nous, nous lui ferons goûter
la vieille matraque
Allez, allez, allez
l'abyssin tu vaincras!
Il y a une grande nation
qui a beaucoup d'argent
Il y a une grande nation
qui a beaucoup d'argent
Nous en compensation, nous à Rome
nous avons Mussolini
Allez, allez, allez
l'abyssin tu vaincras!
Chanson raciste d'Armando Gill: parce qu'il est noir, le Négus est incapable de faire fructifier ses terres fertiles, alors nous allons le conquérir par la violence, et comme ça nous le rendrons plus blanc et nous lui ferons comprendre la vie, à coups de bâton et de matraque, le « manganello » fasciste. Tous les thèmes principaux du fascisme sont là, ceux du Manifeste de la race, conquête, violence, racisme. Armando Gill s'est finalement rallié à ces thèmes dans les années Trente, comme presque tous les autres. Nous allons voir une autre attitude chez Rodolfo De Angelis.
Traductions de Jean Guichard, 9 novembre 2022
(Vous pouvez écouter les émissions d'Évelyne Bestagne et Jean Guichard sur CouleursFM, Sono solo canzonette, octobre, novembre, décembre 2022)